SALE TEMPS SUR LA PLANÈTE

Voilà que le prix du carburant provoque la Jacquerie des gilets jaunes.

Foin des réformes des retraites et du code du travail ! ko les cégétistes et les insoumis ! La France est dans la rue, grâce au gouvernement, avec comme slogan : « Laisser nous les moyens de polluer la planète ! ».

Certes les gilets jaunes ne sont pas tout à fait comme les pauvres des années 50 au secours desquels s’engageait l’abbé Pierre. Ceux-là, les vrais pauvres, ceux des bidonvilles et de la mendicité ne seraient pas montés à Paris pour manifester… Pas les moyens !

Voici plutôt des gens qui, pour la plupart, ont un emploi, un logement, une famille et aussi un ou plusieurs véhicules. Mais comme la vie ne leur propose rien d’autre que des fins de mois difficiles, des montants de retraites misérables, des envies de consommation inassouvies… Ils craignent de tomber plus bas encore ! Peur de rejoindre les vrais pauvres ! Peur du déclassement social irréversible !

La révolte s’appuie, à mon sens, sur de sérieux malentendus :

Qu’on le veuille ou non, Macroniste ou pas, une société basée depuis la naissance du capitalisme sur la croissance à l’infini, épuisant les ressources d’une planète finie ou en forte voie de finition, n’est plus concevable ! Nos moyens de déplacements doivent bien évoluer. Nos modes de consommation, pesant également très lourdement sur l’environnement et les espèces vivantes, il faudra bien consommer différemment, arrêter de se bagarrer pour un pot de NUTELLA en promotion ou pour un téléviseur soldé un soir de « Black Friday » !

Ayons donc une pensée sincère pour tous les écolos de la terre qui militent sans relâche, depuis des lustres, pour nous alerter sur les risques encourus par l’humanité à continuer de polluer et d’épuiser la planète. Il y a de quoi être amer à la vue de ces marées humaines bloquant les carrefours avec comme slogan « rendez-moi mon gas-oil pas cher ! ».

Qu’on le veuille ou non, Macroniste ou pas, notre société aggrave le rapport entre dominants et dominés. Les « gilets jaunes » ont pu, pendant des années, se satisfaire de l’illusion qu’un emploi leur permettrait une belle vie confortable, qu’on pourrait durablement remplir insatiablement des chariots de supermarchés et se gaver de leur contenu, qu’on habiterait de coquets pavillons, installant dans le jardin des barbecues fumants et rinçant chaque samedi sa limousine à l’eau potable. Mais aujourd’hui c’est Carlos GHON et quelques grands patrons du même genre qui se goinfrent. Les plus gros profits se font désormais dans la finance sans la force de travail des bras humains.

Ayons donc une pensée sincère pour Les insoumis et autres forces de gauche fustigeant l’ordre économique mondiale qui aggrave comme jamais le fossé entre riches et pauvres dans notre pays. On ne cesse de répéter que, face aux forces économiques, les travailleurs doivent impérativement revendiquer de vivre dignement. Les gilets jaunes l’ont fait dans le désordre certes mais avec une certaine efficacité.

Qu’on le veuille ou non, Macroniste ou pas, « les emplois, de plus en plus précaires et les pensions de retraites de plus en plus faibles ! » sont bien au cœur des témoignages livrés aux micros tendus par les médias. Ne fallait-il pas défendre « bec et ongles » notre droit du travail et notre système de retraite ? Cela ne valait-il pas la peine d’occuper les ronds-points et de défiler par dizaines de milliers sur les Champs Elysées ?

Ayons donc aussi une pensée pour les syndicats qui n’ont pas réussi à mobiliser dans la rue contre les réformes du code du travail, des retraites et autres revendications des travailleurs.

Qu’on le veuille ou non, Macroniste ou pas, force est de constater que nos besoins essentiels et fondamentaux (santé, éducation, sécurité, etc…) ne sont plus couverts par notre contribution à l’impôt. Les services publics s’amenuisent sans cesse faute de moyens. C’est un véritable cercle vicieux dans lequel nous sommes entraînés : « Trop de taxes et d’impôts ! » crient les « gilets jaunes », « trop de dettes et de déficits » serinent les gouvernants, mais alors qui doit payer pour nos services publics, nos écoles nos hôpitaux ? :

  • Les gros contribuables ? L’ISF vient d’être supprimé dans l’espoir d’un « ruissellement » …
  • Les grandes entreprises qui distribuent trois fois plus de dividendes aux actionnaires qu’elles n’investissent ? Elles iraient investir ailleurs, là où la main d’œuvre est moins chère et plus docile…
  • Les fraudeurs fiscaux ? Ne frauderaient-ils pas plus encore ?
  • Et pourquoi pas une taxe sur les transactions financières ? Taxe qui risquerait de contrarier l’énorme business mondiale produit par des algorithmes élaborés, qui provoqueront inévitablement une prochaine crise, crise qui fera partie intégrante du processus et que l’on finira par payer cher !

Ayons ici une pensée pour les défenseurs du néolibéralisme économique mondialisé et les chantres du démantèlement des services publics si coûteux. Ils se gardent bien, à l’heure de la révolte, de déployer leurs grandes théories, dans les médias, sur les bienfaits du capitalisme.

Ayons aussi une pensée pour les adeptes de Pierre RABHI, dont je suis, qui se voient mal expliquer aux gilets jaunes les principes de la sobriété heureuse tant la frustration du caddie vide est forte.

Qu’on le veuille ou non, enfin, Macroniste ou pas, il n’est pas convenable d’appeler à la démission d’un président qui vient à peine d’être élu… Le suffrage universel se respecte… Il ne reste même que nos institutions qui nous protège vraiment du chaos. Ce n’est pas la démocratie représentative qui pose un problème mais plutôt le désengagement citoyen. Abstention aux élections, individualisme et désintérêt pour la cause commune, absence aux mobilisations sociales, les Français n’ont-ils pas manqué à leurs devoirs et laissé à d’autres le soin d’organiser la société.

Alors ! Macroniste ou pas, que devons-nous attendre de cette crise ? Que le président cède face à la jacquerie ? On peut en douter car ce gouvernement-là est au pied d’un mur édifié depuis près de quarante ans par ses prédécesseurs ayant bien négligé le sort de la planète et de l’humanité en s’avachissant devant l’odieuse pression économique produite par le grand capital ! C’est lorsque la machine économique s’enraye lors des grandes crises qu’on réalise à quel point le pouvoir politique n’en est pas vraiment un. Une telle révolte peut-elle donner des arguments aux gouvernants afin de calmer l’appétit des ogres de la finance ?

Qu’adviendra-t-il de cette crise sociale après le rude épisode répressif qui a maté la mobilisation du 4 ième épisode ? Un dialogue s’est engagé tant bien que mal, mettant en évidence la carence de représentativité d’un mouvement agrégeant les frustrations des uns aux tactiques politiciennes des autres. Un geste financier est fait. Les trublions rentreront probablement chez eux pour préparer les réveillons de noël et du jour de l’an. Le temps de la révolte passé, les gilets jaunes rejoindront les boites à gants des voitures et les français retrouveront leurs frustrations sous le couvercle d’une marmite encore bouillante ! Carlos GOHN et consorts continueront de se goinfrer, le business permettra à tel grand groupe cimentier de financer DAESCH pour pouvoir continuer à faire du profit, les grandes banques feront toujours la pluie et le beau temps avec la dette des états les plus vulnérables, les industriels de tous types pollueront les océans ou en pilleront les ressources, les spéculations en tous genres continueront à vicier l’économie, Etc. etc… Il reste à craindre que la machine sérieusement enrayée durant quelques semaines se remette inexorablement en marche… Sale temps pour la planète !

 

Publié le 20 décembre 2018, dans Uncategorized. Bookmarquez ce permalien. 1 Commentaire.

  1. J’aime beaucoup de chose dans ce texte ! Si seulement les gilets pouvaient le lire et se poser des questions…

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