Archives Mensuelles: juin 2016

Une grue de chantier s’élève :

C’est une image rare que cette grue de chantier grise et jaune émergeant de la forêt des châtaigniers, c’est même probablement la première fois que cela se produit en ce lieu ; il s’agit donc d’un évènement historique d’autant que la grue en question contribue à la construction de la microcentrale hydroélectrique des Eparres, équipement extraordinaire qui marquera l’histoire de notre village… Mais tout cela vous le savez déjà si vous lisez attentivement ces lignes ou le bulletin municipal ou les deux… Il me faut, du coup, « battre ma coulpe » une seconde fois en quelques jours sur ce blog ; en effet dans un article intitulé « les boutiquiers et les boit sans soif » j’avais émis de forts doutes sur la capacité de notre municipalité à réaliser ce projet, le chantier est bel et bien engagé, les tranchées ouvertes, le béton coulé et la grue érigée pour un manège aérien gracieux bien utile à la construction des structures de la centrale.

Par conséquent, il est donc désormais avéré que la municipalité, s’appuyant sur un audit financier douteux (dont le coût n’a jamais été communiqué !), a menti sur l’état des finances communales en prétendant dans un bulletin municipal spécial que la commune ne retrouverait pas de capacité d’investissement avant 5 ans… D’où sortent donc les millions d ‘Euros nécessaires à la construction de la microcentrale mais aussi à la rénovation du captage de la source ainsi qu’au remplacement de la canalisation ? Une banque aurait-elle prêté de telles sommes à une commune ruinée ?

Et ce projet de microcentrale, d’où sort-il ? De quel carton ? A la suite de quelles études techniques ? Du travail de quelles municipalités est-il le fruit ? Nous ne le saurons guère ! A moins de le clamer soi-même sur le principe « On n’est jamais mieux servi que par soi-même ! ». Gageons que la minorité municipale issue de l’ancienne municipalité saura communiquer sur la naissance de ce projet dont elle a assuré la longue gestation.

Cette forme de communication municipale, n’hésitant pas à mentir, ne contribue-t-elle pas à aggraver ce sentiment très en vogue chez nos concitoyens (A l’extrême droite surtout) : « Tous pourris ! ». Il me semble en effet qu’à force de priver les habitants de la vérité sur les affaires communales, on contribue au développement du dédain (pour ne pas dire le mépris) dont les élus locaux font l’objet. Si on ajoute à cela l’ostracisme infligé à la minorité municipale, le manque de confiance affiché à l’égard des habitants lorsque les commissions municipales ont été supprimées, le positionnement ambigu de la municipalité contre le LYON TURIN, la démagogie mise en œuvre dans des réunions de quartiers dominées par les crottes de chien et les haies mal taillées, Il ne faut pas s’attendre avant longtemps au rétablissement de l’image de marque des élus locaux comme des acteurs politiques en général.

Notre village a besoin d’intelligence collective et non d’arrangements particuliers, elle est bien là la difficulté de la gestion d’une collectivité : Privilégier l’intérêt général plutôt que le clanisme. La construction de la microcentrale hydroélectrique est un bon exemple à cet égard ; Croyez-vous que la soixantaine de propriétaires de forêts concernés par les travaux soient ravis du chantier ? Les nombreuses négociations engagées il y a quelques années avec eux ont justement consisté à faire prévaloir l’intérêt général. L’information prodiguée à l’époque était juste et sincère. Les commissions et groupes de travail associaient les habitants à l’élaboration du projet. Les propriétaires fonciers, à quelques exceptions près, ont bien compris l’utilité de la remise à neuf de l’adduction d’eau potable de la commune.

Chacun d’entre nous apprécierait d’être écouté plutôt qu’entendu sur les questions qui nous préoccupent mais qui, aujourd’hui, en appelle à la réflexion collective et participative sur les projets communaux ? L’individualisme l’a-t-il définitivement emporté sur l’humanisme ? Serions-nous devenus de simples consommateurs de services, des portemonnaies ambulants pour cette municipalité mercantile qui gère la commune comme une boutique ?

Tiens voilà un bon sujet de bac à lauréat… Ou de réflexion pour les vacances !

Jean-François RICCI

 

Microcentrales d’autrefois, ou l’art de turbiner

 

Dans les sociétés autarciques ou semi-autarciques telles qu’elles ont subsisté en France jusqu’à la fin du 19e siècle, on ne fait appel à des prestataires qu’en cas d’absolue nécessité.

Parmi ceux-ci, on trouve le forgeron, parfois le maçon ou le charpentier, et quasiment toujours le meunier, détenteur du matériel et du savoir nécessaires à la transformation des céréales en farines plus ou moins grossières.

Construits souvent pour le compte de leur abbaye, par des moines qui en maîtrisent la technique, ou à l’initiative de potentats locaux, les moulins et autres artifices sont signe de pouvoir et source de revenus. Rien d’étonnant à ce qu’ils soient des cibles privilégiées et qu’ils subissent des destructions lors des conflits incessants qui ponctuent l’histoire médiévale.

Outre la plus connue, la production de farine, l’énergie hydraulique a diverses applications à Chapareillan-Bellecombe dès le Moyen-âge : Scies, moulin à huile, battoirs pour broyer le chanvre (1), martinets de forge (2).

Un martinet est encore en fonction au 18e siècle, sur le Cernon. Plus tard, cette installation sera remplacée par un moulin fonctionnant encore vers 1840. L’emplacement en en a gardé le nom, au-delà du hameau des Girards.

Les religieuses des Ursulines possèdent quant à elles un moulin dans le même hameau, jusqu’à la Révolution (actuelle maison Cochet).

En 1794, une enquête dénombre les moulins à farine de la commune : dix roues (3) sont destinées au froment, dix roues pour le seigle, l’orge, le maïs, le sarrasin et les mélanges, et quatre roues pour l’avoine. La qualité de toutes les moutures est dite « à la grosse », ce qui signifie qu’elles devront encore être blutées après avoir été moulues (4). Les meules à froment viennent de la région de Lyon et du canton d’Ugine. Les autres sont tirées dans le canton d’Allevard, à Arvillard et dans la région d’Entre-Deux-Guiers.

Lors de l’établissement du premier cadastre, en 1833, on trouve

  • sur le Cernon,
    • au-dessous de Bellecombe le moulin Drillat (deux moulins), sur la rive gauche, et le moulin Battiat, sur la rive droite (5),
    • le moulin Pagnaud (deux moulins et un battoir) à l’emplacement de l’ancien martinet,
    • le moulin de Victor Genton, avec son battoir, son gruoir et son pressoir à huile, qui passera plus tard aux Pagnaud, puis à la famille Reymond,
    • une scie a eau, propriété Michaud, plus tard moulin Cathiard,
    • le moulin Michaud, qui appartenait anciennement aux Ursulines,
    • le moulin Fortin, modernisé par la suite, et qui sera le dernier en activité, à l’embranchement de la route de Barraux. Y sont alors associés un battoir et une tuilerie.
    • une scie à eau, propriété de Joseph Dunand, actuellement propriété Kaszluk, rue de la Scie.
  • sur le ruisseau des Éparres, deux moulins, propriété de Jean-François Genton, à l’amont des Atrus,
  • sur le Glandon,
    • le battoir Baffert aux Morelles (Saint-André)
    • une série d’artifices au Gas de l’Aby (le Gué de l’Abyme, à la limite de Chapareillan et des Marches, connus plus tard sous le nom de moulin Genton (6),
    • le moulin de Saint-Martin, dit moulin Falcoz, anciennement moulin Pizançon,
    • sur le Vorget, le moulin Faguet (un moulin, un battoir), anciennement Bravet, aujourd’hui propriété Labbé.

Une scie à eau associée à une batteuse sera établie plus tard sur le Glandon, à Saint-Martin (propriété d’Eugène Chapelard, également distillateur).

Toutes ces installations connaîtront des évolutions et des fortunes diverses.

On y adjoindra parfois une batteuse ou une petite turbine électrique (cf. Pagnaud-Reymond).

Mais dans l’ensemble leur sort est scellé. Certaines disparaîtront complètement, encore localisables par quelques pierres. D’autres perdront leur équipement pour être transformés en logements. Un seul a conservé ses meules et ses accessoires, mais son alimentation en eau a été supprimée.

De nouveaux usages viendront plus tard :

En 1894, à l’initiative de deux notables de Chapareillan, on entreprend la construction d’une usine hydroélectrique sur la rive droite du Cernon, c’est-à-dire sur Barraux. Elle est alimentée par une conduite captant l’eau du Cernon à l’amont de Bellecombe, d’une hauteur de chute de plus de 600 mètres. Destinée initialement à l’alimentation en électricité de la ville de Chambéry, elle connaîtra quelques vicissitudes, mais est toujours en activité.
Fin 1915-début 1916, la Société Bouchayer-Viallet construit en un peu plus de trois mois, une usine de fabrication d’obus à Servette. Les obus sont ébauchés par un procédé d’emboutissage qui trouve sa puissance dans une dérivation de la conduite forcée de l’usine électrique.

À l’heure où en réaction aux productions de masse et aux déplacements qui y sont associés, on parle de circuits courts, rappelons, sans nostalgie excessive, qu’il n’y a pas si longtemps, on consommait les farines issues des céréales locales. Elles étaient souvent assez grossières et les petits grains de la meule perdus dans le pain crissaient parfois sous la dent.

La roue tourne.

Christian COLLOUD

(1)  Thérèse Sclaffert (le Haut-Dauphiné au Moyen-âge) cite ces équipements sur le Cernon, en 1358.

(2) L’abbé Bernard écrit que deux martinets furent installés sur le Cernon, en 1432, par les moines de Tamié.

(3) Par roue, il faut entendre la meule et non la roue motrice.

(4) Le blutage est le tamisage des farines à l’aide d’un blutoir.

(5) Ce moulin se trouve alors sur la commune de Saint-Marcel.

(6) Il s’agit d’un ensemble exceptionnel qui comprend alors une maison, un four, quatre moulins, une scie a eau, un battoir et un pressoir à huile.

 

 

 

 

Fissure et entorse

A l’image du cher massif montagneux qui nous domine, le bloc majoritaire actuellement en charge de la destinée de Chapareillan s’est récemment fissuré à l’occasion d’un débat sur la création d’une base VTT. Mais, contrairement au délitement inexorable de la falaise, il s’agit plutôt d’une bonne nouvelle. Quoi de plus réjouissant, en effet, que de voir un conseil municipal s’animer d’un vrai débat en présence d’un public attentionné, la minorité municipale rejoignant une partie de la majorité au moment du vote, un maire dévoilant une faiblesse face à l’âpre diatribe d’un élu de sa propre majorité ? Ce ne sont pas les démocrates qui s’en plaindront.

La cause de cette fissure ? Des scrupules suite à la communication mensongère sur l’état des finances communales ? Des remords liés à l’ostracisme infligé à l’opposition ? Un débat sémantique sur la dérive mercantile de la gestion municipale ?… Rien de tout cela ! Un projet de base VTT initiant le développement de la pratique de ce sport, présenté par une association Chapareillanaise de vététistes aux différentes communes concernées par les éventuels itinéraires. Les protagonistes s’enthousiasment, c’est un projet dynamique, une pratique sportive écologique et pacifique, un atout pour les communes en matière de développement touristique, les premiers contacts avec la mairie de Chapareillan sont positifs.

Seulement voilà les chemins concernés traversent le vignoble. Fabrice BLUMET, conseiller municipal, monte alors au créneau, s’improvisant porte-parole du monde agricole lequel n’aurait pas été consulté sur ce projet ; il témoigne de la crainte des viticulteurs de voir débouler sur les chemins des hordes de cyclistes dévalant les pentes escarpées de nos coteaux ; il révèle surtout une certaine vexation de ne pas avoir été informé et consulté avant le conseil municipal… Dame ! Justement ce que vivent depuis mars 2014 les élus de la minorité ! L’arroseur arrosé ?

Il suffirait, me direz-vous, que les associations de vététistes trouvent à qui parler, les représentants du monde agricole par exemple. Mais voilà, la très belle maison des agriculteurs de Chapareillan est souvent vide et derrière sa magnifique façade en trompe l’œil, la corporation semble divisée entre les jeunes viticulteurs dynamiques organisant des randonnées gastronomiques, exportant leurs vins fins, accueillant les touristes dans leurs fermes ouvertes, etc…. Et le syndicalisme agricole traditionnel souffrant à Chapareillan d’une piètre image dominée par l’alcoolisme et le repli sur soi plutôt que par la promotion des vins de Savoie !

Les viticulteurs sont probablement divisés sur la question d’une base VTT à Chapareillan :

Les uns soucieux de l’image de marque du vignoble grandement due aux soins apportés au travail de la vigne et à l’élaboration d’un vin de qualité mais aussi à la protection de l’environnement et au développement touristique. Un récent séjour dans la région des cinq terres en Italie m’a paru très convaincant à cet égard.

Les autres tout aussi attachés à leur terroir mais hostiles à toute intrusion étrangère sur leur lieu de travail. Ce soir de conseil municipal là, seule cette dernière tendance a été exprimée ; l’esprit de clan, encore lui ?

A la faveur de ce fait municipal, il me revient en mémoire plusieurs anecdotes illustrant la difficulté de dialoguer avec les représentants du monde agricole quand on a la charge de projets communaux. Quelques points d’histoire locale bien utiles à la compréhension de cette affaire :

L’office de tourisme du Haut Grésivaudan avait rencontré les mêmes réticences dans les années 90 pour définir des parcours cyclables accessibles aux familles de touristes. Il avait fallu le talent et l’énergie de Denise CUGNIOLIO, présidente, pour parvenir à faire accepter un simple fléchage indiquant des itinéraires à suivre… Bon nombre de piquets et pancartes avaient volé en éclats.

Les négociations entre la commune et le syndicat agricole ont duré plusieurs années (8 de mémoire) au cours des mandats de Jean EHRARD et de Christian CUGNOLIO pour que le tènement de l’ancienne fruitière, propriété des anciens coopérateurs laitiers, voué à la ruine, devienne un nouveau quartier accueillant avec logements, commerce, salles de réunion et maison des agriculteurs, le quartier Saint Roch.

L’actuel lac de BEY, zone naturelle protégée, accueillant fleurs rares et faune riche, véritable éponge d’altitude freinant de forts et dangereux ruissellements vers la vallée, a fait l’objet d’un vrai combat entre écologistes et vignerons pour qu’il ne soit pas remblayé de déchets du bâtiment et recouvert de terre afin d’y planter de la vigne. Ce lieu, propice à la promenade, est demeuré un véritable trésor écologique et rend le vignoble environnant encore plus beau à voir.

Enfin plus récemment, imaginez-vous que le syndicat agricole a refusé sèchement et sans explication de recevoir dans les locaux de la maison des agriculteurs les réunions préparatoires à la création des deux AMAP de Chapareillan (Associations pour le maintien de l’agriculture paysanne) ainsi que les permanences hebdomadaires de distribution de produits de la terre aux familles par les producteurs eux mêmes… C’est quand même un comble voire même une honte pour une profession qui pour le coup se tire une balle dans le pied !

La passion du VTT et les itinéraires uniques offerts par les versants du massif de la Chartreuse, face au panorama époustouflant de la chaine des Belledonne, au cœur d’un vignoble poussant sur les anciens éboulis du mont GRANIER, pourraient-ils provoquer une prise de conscience collective : Chaque ouvrage, chaque savoir-faire, chaque vigne, chaque petit cellier, chaque chemin rocailleux, entrent dans le patrimoine collectif au même titre que les cathédrales et les châteaux forts. Il faut admettre l’intrusion des touristes en VTT sur nos chemins, tout comme on a désormais admis que la biodiversité est favorable au vignoble. Cette démarche a permis aux paysans des Cinq Terres, pour revenir à eux, de débroussailler les anciens labyrinthes d’escaliers et chemins ruraux parcourant les versants escarpés de leurs bords de mer, de ressusciter un vignoble unique, d’accueillir les touristes et de bien vendre leurs produits gastronomiques.

Dans ces lignes je présageais il y a quelques mois que le bloc monolithique majoritaire, prostré au pied de son leader, ne connaîtrait aucun manquement à la discipline muette imposée par l’autorité de Madame le maire. Il faut savoir reconnaitre ses erreurs et je conviens bien volontiers que sur cet aspect de la vie municipale je me suis trompé. La fissure qui vient d’apparaître annoncerait-elle la prise de conscience d’un groupe inexpérimenté qui foule depuis plus de deux ans deux fondements majeurs de notre démocratie : Le débat public et le respect de la minorité.

Une fissure donc dans cette municipalité et une entorse aussi aux engagements électoraux sur le développement touristique et économique. Le débat sur l’agro tourisme est révélateur du courage politique nécessaire à la gestion d’une commune ? Courage qui a fait faux bond à Madame le Maire dans sa crainte de froisser son électorat paysan.

Fissure et entorse… Un vrai bulletin de santé !

Jean-François RICCI.