Archives Mensuelles: décembre 2014

Conte de Noël : « Marrons glacés sous le ciel étoilé »

Au royaume lointain où je vous emmène, la neige blanchit les cimes, le soleil levant illumine les arbres des collines, au couchant lorsque le ciel flamboie un beau et froid lendemain d’hiver s’annonce.

Sur le chemin caillouteux serpentant au cœur du vignoble, franchissant les ponts de pierre au-dessus de tumultueux ruisseaux, un attelage se presse évitant les ornières. Deux beaux chevaux noirs tractent avec aisance une calèche aux roues si fines qu’on se prend à craindre qu’elles ne se brisent sur une pierre. L’homme qui tient les rênes est recouvert d’une cape noire à capuche, on ne voit pas son visage, il fouette la croupe des chevaux pour atteindre le sommet d’une dernière côte. Son regard s’arrête alors sur le château, sa destination, qui domine un bourg dont les maisons aux toits rouges semblent chercher la protection de la forteresse. Avec hâte, il achève son voyage et se présente devant une grosse porte de bois renforcée de clous forgés dont les têtes carrées forment des pointes acérées. Une forte voûte de pierre en ogive forme l’entrée principale du bourg. Une pancarte indique « pauvres et malandrins passez votre chemin ». L’attelage s’immobilise, les chevaux très nerveux amorcent une ruade, soufflant bruyamment par les naseaux.

Du haut du rempart on crie: « Qui va là ! Ami ou ennemi ?» Sous la cape noire une voix forte répond : « Messager du tout puissant seigneur de FERRAILLE, je porte un message à l’adresse de sa majesté la reine SARDINE ».

La lourde porte s’ouvre alors en grinçant sur ses gros gonds rouillés, l’équipage s’avance dans une ruelle étroite bordée de misérables maisons aux volets fermés. L’homme à la capuche se sent épié, des ombres fuient, sur un toit des corbeaux annoncent l’arrivée du visiteur par des croassements sinistres.

Au royaume où je vous emmène, règne la reine SARDINE, grande, belle, autoritaire. Elle s’entoure de guerriers forts et débonnaires, lesquels se tiennent debout à l’entrée du château comme pour dire aux visiteurs : « attention ! Ici règne la force ! On ne touche pas à la reine ! Sinon gare ! ».

Le messager en cape noire est reçu, sous escorte, dans la salle du trône. Il transmet son message : « Le seigneur de FERRAILLE, mon maître, s’inquiète des invasions barbares et souhaite une union entre nos deux places fortes, il veut vous rendre une visite officielle pour Noël ».

A ces mots, la reine SARDINE tressaille : «Pour Noël, mais c’est bientôt là ! » Elle dit alors à sa cour « Il faut faire nettoyer et décorer la ville, je veux que le peuple festoie, rie, mange et boive, qu’il paraisse heureux et prospère afin de faire honneur à notre puissant allié »

« Mais majesté » dit alors un membre éminent de la cour « Nous ne pouvons pas laisser festoyer le peuple, cela coûte au royaume et nous ne cessons de dire que nous n’avons plus un écu à cause du roi SPAGHETTI qui vous précéda»

Un cerbère s’avance alors, menaçant, vers le courtisan et dit : « Le château a dit… »

Au royaume lointain où je vous emmène, on dit : «  Le château a dit… » à chaque décision de la reine, on ne dit pas qui a dit, on dit « le château » car on ne doit pas dire qui a dit, surtout si c’est la reine qui dit, ainsi édicte la reine SARDINE qui ne veut pas qu’on dise ce qu’elle dit et qu’on dise qu’elle a dit quand elle dit qu’elle ne l’a pas dit… On dit donc : « Le château a dit ». Ce jour-là, proche de Noël, il est dit : « JE veux que le peuple festoie et que la ville soit belle pour faire honneur au seigneur de FERRAILLE parce-que c’est moi qui décide ! Et qu’on ne discute pas mes décisions ! ».

Sitôt fut-il dit que sitôt il fut fait !

Les trompes sonnèrent depuis les remparts, les guerriers clamèrent au pas de chaque porte, les chiens aboyèrent, les corbeaux, du coup, ne croassèrent plus, les volets et les portes des masures s’ouvrirent, sous les capuchons ceints de grosses écharpes de laine multicolores, le petit peuple grouillant et gesticulant s’affaira dans les ruelles et sur la place du bourg dans un joyeux désordre, ici on dressa une estrade pour les concours de pets et de cris du cochon, là on aligna des tables à perte de vue pour y servir à boire et à manger, le poissonnier sortit son étal, le boulanger pétrit farine, épices et miel, on dressa un bûcher, d’immenses gamelles en fonte furent posées sur les braises, on y mit du vin rouge à chauffer, du sucre roux, de la cannelle, du coup, les joues déjà rougies par le froid, les bouts de nez devinrent de plus en plus écarlates à cause, assurément, du gouleyant breuvage, on but, on rit, on s’enflamma, les uns s’embrassèrent, les autres se disputèrent (« C’est ma femme que tu embrasses ! »), ces deux-là s’insultèrent  (« Sarrasin ! » dit l’un, « Consanguin ! » répliqua l’autre « Tu veux un marron ? »), ils en vinrent aux mains comme au temps des ancêtres gaulois (« tiens prend un marron ! »), beigne, bourre-pif, châtaignes, tout le monde s’en mêla, s’attroupa, s’agglutina, hurlements (« j’vais t’filer un marron ! »), bousculades, roulades dans la ruelle jusqu’à la porte de bois sous la voute de pierre, on ne sut plus qui était qui (« mais t’es qui pour me mettre un marron toi ! »), qui fit quoi (« C’est qui qui m’a mis un marron ! »), dans cette incroyable mêlée (« J’ai encore pris un marron ! »), on en oublia même de nettoyer et de décorer la ville en l’honneur du seigneur de FERRAILLE.

Il était là, pourtant, penaud et transi, devant le rempart du bourg, avec sa délégation, entendant à travers la porte de bois, ce tumulte indigne et vociférant où il était question de marrons. Personne ne l’accueillît, personne ne le salua aussi dignement que son rang l’imposait et personne n’ouvrit la porte à l’opportunité d’une alliance entre royaumes.

Il se tourna alors vers son messager et dit : « Est-il coutumier chez la reine SARDINE de distribuer des marrons sous le ciel étoilé? »

« Glacés, monseigneur, des marrons glacés ! »

Jean-François RICCI, conteur très occasionnel, vous souhaite un joyeux Noël

CHAPAREILLAN 2014 réussira son mandat !

Quitte à ce que certains de mes lecteurs et amis avalent leur chique, j’affirme que «CHAPAREILLAN 2014 », liste électorale constituant l’actuelle majorité municipale de Chapareillan, réussira son mandat. Non ! Je n’ai pas tourné ma veste, j’estime plutôt à leurs justes valeurs les modestes ambitions de cette municipalité et les fortes chances qu’elle a de les réaliser. Suivez-bien mon raisonnement :

  • Cette liste a pris très peu d’engagements électoraux au cours d’une campagne destinée essentiellement à mettre en avant une tête de liste dont on dit qu’elle participerait aux cantonales en 2015. Il n’y aura aucune difficulté majeure à dresser le bilan, en fin de mandat, d’un programme électoral où pas grand-chose n’est proposé. Le peu qui est fait sera toujours supérieur au très peu qui fut promis.
  • La municipalité élimine de son champ d’action tout ce qui est complexe à administrer : Collaboration avec la minorité municipale faisant appel à une certaine ouverture d’esprit, création de commissions municipales, participation citoyenne des habitants nécessitant une compétence d’animation de la démocratie locale, projets culturels intelligents et accessibles (comme le CHAP’ A CHAP), gestion de services techniques complexes (eau et assainissement) ou de services sociaux (jeunesse), participation à la Communauté de Communes (suite à un « oubli » aucun élu chapareillanais n’est inscrit dans les commissions intercommunales, personne n’y défendra les intérêts de notre commune), en règle générale tout ce qui fait appel à une intelligence collective difficile à mettre en œuvre. Ceci facilitera d’autant plus le travail des élus durant les 5 ans qui viennent.
  • Le mode de gestion comptable (plutôt que budgétaire) mis en œuvre est simpliste, à la portée de tout quidam capable d’aligner quelques chiffres sur un petit calepin racorni au papier jauni, à la seule condition de maîtriser l’addition et la soustraction. Finies les perspectives économiques de développement durable, les plans d’investissements à long terme, les débats budgétaires prenant en compte toutes les composantes communales. Désormais on vend du service à qui peut se l’offrir, on cherche à cumuler de l’autofinancement pour ne plus recourir aux lignes de crédits en début d’exercice et dans le même temps, tout en prétendant que la commune n’a plus de capacité d’emprunt, il faudra bien donner le change à ces électeurs qui réclament l’élargissement des routes de montagnes et l’extension des réseaux communaux permettant de construire des maisons en rase campagne (renvoyer l’ascenseur aux soutiens !). Aux bricolages incohérents et contradictoires d’élus débutants et inexpérimentés succèdera, après quelques budgets d’expérience et quelques journées de formation, une approche plus judicieuse de la gestion communale. Un audit bien orienté, un clientélisme bien ciblé sauront probablement convaincre les électeurs en 2020.
  • Une belle majorité des électeurs (54%) s’est exprimée en faveur de cette liste, emboitant le pas des Français les moins touchés par la crise économique, soucieux de conserver leur statut social, ne souhaitant en aucun cas être solidaires des plus défavorisés et conscients que ce confort de vie est bien fragile face à la crise structurelle imposée par les marchés financiers. La tradition de solidarité de l’impôt est abandonnée au profit du petit commerce. Les services créés pour tous deviennent peu à peu réservés aux plus aisés. Un conseiller municipal de la majorité l’a dit publiquement :   « On va faire de Chapareillan un village bourgeois » ! Ce qui sous-entend « sans cas sociaux » ? (Comme si notre commune n’avait pas toujours été bourgeoise et comme si nous n’avions jamais été solidaires avec les plus démunis). Qu’un groupe dominant, emportant les élections, s’adonne à réaliser son idéal de société excluant les familles modestes semblera inéluctable, logique diront certains « à nouvelle majorité, nouvelle politique ! »
  • La stratégie de la municipalité associe astucieusement les « talents » d’Ysengrin et de Goupil. A l’autoritarisme d’un maire, la brutalité des propos, les coups de mentons, les pantalonnades de fin de conseil municipal, répondent les annonces alambiquées, ronds de jambes et exercices de séduction de certains adjoints. Les annonces tapageuses de l’une (Privatisation de l’eau, augmentation des tarifs, invectives à l’encontre de la minorité municipale…) sont suivies de contrepropositions plus consensuelles (réductions de l’augmentation des tarifs, annonce sur la faisabilité de la centrale hydroélectrique des Eparres…). Pendant cette représentation quasi théâtrale, la politique commerciale se met en œuvre, les tarifs communaux augmentent jusque dans les cimetières (Noter quand même le rabais consenti aux familles extérieures inscrivant leurs enfants à l’école privée. Noter aussi la gratuité de droit de place pour Chapareillan Développement !). Ne pourront bientôt vivre au village que ceux qui pourront en payer le prix ou ceux qui bénéficieront du « clientélisme municipal ».
  • L’attitude passive, voire effacée des élus majoritaires derrière un leader très autoritaire, confère à ce groupe une impression d’unité, illustrant l’analyse de FREUD « l’homme est un animal de horde», l’individu suit le leader et met, en quelque sorte, sa destinée sous la conduite du fort, telle une horde de chevaux au galop. Cette image est, m’a-t-on dit, très nette lors des séances du conseil municipal. Ni disputes, ni controverses, ni débats internes, ces 18-là resteront solidaires.
  • Pour ces raisons, Chapareillan 2014 réussira son mandat. Est-ce que ce mandat réussira à Chapareillan ? C’est beaucoup moins sûr : Cette mandature, ne laissant aucune place à l’exercice le plus élémentaire de la démocratie (le respect des minorités) laissera une trace dans l’histoire de notre village : un chemin creusé d’ornières. Il appartiendra aux futures générations d’y tracer de nouveau une piste accessible à tous, bordée de sillons fertiles. N’oublions jamais l’exemple du passé, lorsque les solidarités s’effritent, c’est la société dans son ensemble qui s’effondrera. Nous avons confié les clefs de la maison aux 3B, ceux pour qui seuls comptent leur Baraque, leur Bagnole et leur Barbecue. Gardons malgré tout confiance en l’avenir, le personnel communal compétent « tient la baraque » et la minorité municipale « veille au grain ».
  • Jean-François RICCI
  • Prochain article : « marrons glacés » ou comment le développement économique de Chapareillan se construit en nocturne, à la buvette ?