Archives Mensuelles: février 2015

CHAPAREILLAN mairie extrême

PREAMBULE :

Ces lignes, que vous me faites l’honneur de lire, sont rarement publiées dans la hâte et dans l’urgence. Au début, il y a une idée, une envie irrépressible de la transcrire, puis il y a le plaisir fou de rechercher la formulation qui plaît. Chaque article fait l’objet d’un long travail de rédaction, certains d’entre eux nécessitent de 10 à 20 modifications, quant aux corrections, elles ne suffisent pas toujours à éradiquer totalement les mauvaises tournures de phrases ou les fautes d’orthographe. L’intérêt technologique du traitement de texte et de la mise en ligne sur Internet c’est que rien n’est figé à jamais, à l’inverse du livre. Tout peut être corrigé, modifié, réadapté à l’actualité au fil des envies et de l’inspiration.

Ce ne fut pas le cas pour l’article qui suit, il s’est retrouvé publié accidentellement sans recul et sans le filtre de la relecture. Il a provoqué un fort émoi au conseil municipal et même occasionné une plainte en diffamation à la gendarmerie. Voici donc, dans sa version actuelle, l’article qui a inauguré ce blog et motivé ma volonté de l’animer jusqu’au jour où la démocratie locale sera de retour à Chapareillan.

CHAPAREILLAN mairie extrême

La situation géographique extrême de Chapareillan, dernière commune de l’Isère avant la Savoie, inspire-t-elle la nouvelle municipalité dans ses premières décisions ?

  • Bannissement de la minorité municipale, refus d’accorder une salle communale pour y tenir des réunions de travail, refus de laisser un espace d’expression dans le bulletin municipal, invectives, mépris, outrage à l’exercice élémentaire de la démocratie locale.
  • Disparition des commissions municipales, fin du principe d’ouverture des commissions aux habitants en vigueur depuis 25 ans.
  • Suppression brutale du soutien au projet social des habitants, mise au chômage du personnel, perte des financements de la Caisse d’Allocations familiales
  • Coup d’arrêt au riche travail engagé en 2013 pour l’application de la loi Peillon à l’école dont l’objectif, rappelons-le, est d’aménager les temps scolaires et périscolaires pour améliorer les rythmes des enfants.
  • Constitution d’instances communales avec amis et membres de la famille écartant toute représentativité de l’ensemble de la population et des quartiers (exemple navrant de la commission des impôts surnommée « commission cousins/cousines »).
  • Entraves à l’action culturelle des associations, diminutions ciblées des subventions communales, création de cautions aux montants exagérés pour louer une salle ou emprunter du matériel communal, augmentation des droits de place et prix de location de salles.
  • Plus grave : Isolationnisme volontaire ou maladroit, les noms des délégués intercommunaux de Chapareillan dans les instances du Pays du Grésivaudan n’ayant pas été communiqués dans les temps impartis.
  • Plus grave encore : Autoritarisme d’une maire qui revendique vertement l’exclusivité décisionnelle y compris auprès de ses colistiers.

Ces décisions, dommageables aux intérêts vitaux de notre communauté, illustrent un début de mandat laborieux, certes, mais qui prend surtout une tournure troublante. Maladresses dues à l’inexpérience ou motivation idéologique dissimulée pendant la campagne électorale, ce sont, comme dans les communes gérées par l’extrême droite, la démocratie locale, la culture, l’éducation et l’action sociale qui subissent les premiers assauts du pouvoir municipal.

Extrême droite ! L’expression est lâchée…On se doutait bien, avant les élections municipales, que cette dérive idéologique s’inviterait dans le scrutin en 2014. Sur le plan national quelques villes sont tombées entre les mains d’élus qui peinent à dissimuler leurs tendances xénophobes et totalitaires. L’exemple donné par ces communes dont la notoriété assombrie nous parvient, ne plaide pourtant pas en faveur d’une gestion autoritaire et expéditive. Un village comme Chapareillan qui honore chaque année ses justes et ses résistants, aurait-il voté à près de 54% pour une majorité municipale bleue marine sans le savoir ?

Un jury de journalistes de premier plan a récemment attribué un prix honorifique au maire FN d’Henin Beaumont. Ne s’agissait-il pas, là aussi, de mettre en lumière l’épidémie de « peste brune » proliférant dans cette France qui semble oublier son histoire?

La détestable attitude de l’UMP au second tour des législatives partielles du DOUBS démontre bien que derrière les façades respectables « sans étiquettes », « divers droites » et « droite » le pas à franchir vers la haine est plus court. Il y a quelques années de cela, le peuple de gauche n’a pas eu d’hésitation pour faire élire Jacques CHIRAC face à Jean-Marie LE PEN. La tentation de la compromission avec l’extrême-droite est bel et bien présente sous les ors de la République.

Au-delà de cette probable mystification idéologique, est-il concevable de gérer une collectivité de près de 2800 habitants, un budget de fonctionnement de 2,7 millions d’Euros sans commissions municipales ? Comment s’organise le travail des élus si aucun distinguo n’est fait entre les différentes étapes indispensables à l’exercice élémentaire de la gestion communale ? L’expression des problèmes posés, leur analyse, la recherche de solutions, la délibération ensuite permettant enfin un arbitrage. Sans instance organisée par les élus, sans commissions (qu’elles soient ouvertes aux habitants ou pas), comment le conseil municipal peut-il valablement prendre des décisions d’intérêt collectif alors que la fonction municipale est portée par quelques élus sous l’autorité de la maire, les autres membres de la majorité suivant docilement, la minorité municipale étant ostracisée, la démocratie bafouée, n’y a-t-il pas là un fort risque d’émergence de projets néfastes (comme la porcherie industrielle en 1988). Quelques décisions iniques déjà prises (Droits de place augmentés pour les uns, offerts aux autres) peuvent le laisser craindre ?

Peu de communes, à ma connaissance, fonctionnent de la sorte. Combien de temps cette situation invraisemblable durera-t-elle et avec quel impact sur l’avenir de Chapareillan ?

Pour ce qui est, en tout cas, de la réputation de notre village (le dynamisme associatif, la vie culturelle, les services, l’engagement dans l’intercommunalité, …) elle vient de prendre, en moins d’un an, un sacré coup dont il sera difficile de se remettre. Ce village est le nôtre, nous aimerions rester fiers d’y vivre, sonnons l’alerte tant que nous en avons la liberté.

Jean-François RICCI

Conte de la Chandeleur : LE GRAND CHAOS

A chaque fête religieuse son conte. C’est la façon pour un athée d’exprimer équitablement sa considération pour tout type de croyance.

Dans le royaume imaginaire où je vous emmène, il y a un vieux château de pierre et de bois. Pas de ces demeures prétentieuses ornées de moulures et couvertes de tuiles vernissées. Ce château-là est avant tout solide, tout de blocs en calcaire taillés dans la montagne, de galets de la rivière assemblés à la chaux. La charpente est constituée de sapins entiers et de forts chevrons en peuplier, le tout recouvert de tuiles brunes résistant aux orages depuis des siècles déjà. Capable de supporter les assauts les plus barbares et de tenir les sièges les plus longs, un large fossé rempli d’une eau saumâtre l’entoure. L’unique porte d’entrée s’actionne de haut en bas et de bas en haut selon si l’on veut l’ouvrir ou la fermer…Un peu comme une bouche.

Sous l’ombrage d’une futaie toute proche un attroupement a lieu. Quelques personnes entourent un drôle de personnage vêtu d’un habit coloré qui s’agite dans une curieuse pantomime. Sur sa tête un chapeau à plusieurs pointes, jaunes, rouges, vertes au bout desquelles tintinnabulent de petits grelots de cuivre. C’est le fou de la reine SARDINE, maîtresse du château. Les badauds l’écoutent attentivement :

« Approchez votre oreille de mes lèvres, oyez ce que je chuchote et ne répétez pas ce que je vous dis tout bas :

En fait ! En fait ! En fait ! La reine Sardine n’est pas vraiment reine…Si, si, si, je vous le dis, elle a usurpé ce titre de reine à l’époque du grand chaos. Quoi ! Vous ne vous souvenez pas du grand chaos ! Mais si ! C’était pendant les invasions Sarrasines, tous les hommes partis à la guerre, il ne restait au pays que les femmes, les enfants, les goitreux, les paralytiques, les souffreteux et tous les animaux domestiques qui ne pouvaient pas être chevauchés…Pour la guerre… il s’entend !

Madame Sardine fomenta un complot, allant d’huis en huis porter sa parole. Elle dit au seuil de chaque logis du mal du roi SPAGHETTI parti guerroyer par monts et vallées contre les sarrasins alors que, pendant ce temps-là, les ornières des chemins se creusaient, les torches vives des rues s’éteignaient, le trésor du royaume s’épuisait, bref tout allait mal « et si je vous le dis, c’est qu’c’est vrai ! » disait-elle. Tout le peuple la crut, qui ne l’eut point cru se voyait cuire sur un bûcher. Ainsi naissent les croyances !

Dame SARDINE prit le pouvoir par acclamation sur la place du marché. Elle était entourée de matrones rondes et rougeaudes qui exhortaient le peuple à l’acclamer, sous peine de prendre une tarte ou un marron. Elle se décréta reine.

Les matrones prirent des responsabilités et comme il est de coutume dans ce royaume, chacune d’entre elles portait un surnom en fonction de son occupation. Il y avait LA CASSETTE qui s’occupait de lever l’impôt, LA MAMELLE s’occupait des enfants et des nourrices, les cultures et les moissons étaient sous la gouverne de LA CHARRUE, pour les fêtes, noces et banquets il y avait LA TUPINE, celle-ci attachée aux transports et déplacements c’était LA BROUETTE, celle-là surveillait le peuple, informait la reine et faisait courir les rumeurs : LA TROMPETTE.

Pour fêter son sacre et la formation de son gouvernement, la reine SARDINE ordonna une grande soirée crêpes, c’était la Chandeleur :

« Une soirée quoi ? Questionna LA TUPINE »

« Crêpes ! Rétorqua LA MAMELLE…Les trucs ronds tout plats qu’on fait avec des œufs »

« Qu’on m’apporte un panier d’œufs frais, mon enclume et mon maillet dit LA CHARRUE »

« Mais pour quoi faire ? » Intervint LA CASSETTE, vu le prix des œufs !

« Ben…Pour faire des crêpes ! Des trucs ronds et plats » Et LA CHARRUE se mit à aplatir vigoureusement des œufs sur son enclume à grands coups de maillet, éclaboussant l’assemblée de déjections jaunâtres et visqueuses. LA CASSETTE saupoudra de la farine sur l’enclume formant un épais brouillard, LA MAMELLE versa du lait qui coulait de l’enclume sur les dalles de pierre, LA TUPINE, du coup, piétina ce magma gluant en riant, toutes finirent par s’esbaudir en pataugeant dans la pâte à crêpes ! Mais de crêpes on ne se régala point ce jour -là, tous les ingrédients maculant le sol.

La reine SARDINE abasourdie se dit alors : « Quel chaos ! » Ainsi commença la longue période du grand chaos. La reine et les matrones avaient peu de connaissances, elles n’avaient pas imaginé que la conduite du royaume était aussi complexe. On ne pouvait tout de même pas laisser à penser au peuple qu’il avait acclamé une bonne à rien. Alors on fit appel aux rares hommes restant au royaume, exemptés de guerre pour cause de goitre, pied bot, mal de poitrine, etc. Convoqués avec autorité, la mine benoite pour certains et carrément apeurée pour d’autres ( « Qu’est-ce que la reine et ses matrones pourraient bien nous vouloir ?» songeaient-ils.) , tous s’assirent autour de la grande table ronde de la salle d’apparat. Un chêne entier brûlait dans l’immense cheminée prodiguant un peu de chaleur et beaucoup de fumée. On disposa des gobelets bien remplis pour rassurer les hommes avec un geste qui leur était si familier, boire du vin.

La reine SARDINE prit la parole : « Mesdames, messieurs, il faut m’apporter des idées nouvelles, initier du changement, ne pas faire comme les autres » Elle ne pouvait pas dire, avouant son impuissance « dites-moi ce qu’il faut faire pour administrer ce royaume ».

Un lourd silence lui répondit…On se jetait des regards gênés à la dérobée et on semblait se dire : « Mais qu’est-ce qu’elle entend par idées nouvelles…Qu’est-ce qu’on peut bien inventer de nouveau ? »

Le gros MARCEL avec sa bouche de travers (à cause de son goitre) dit alors : « J’sais pas moi, un concours de cri du cochon ou un concours de pets! »

Hurlement de la reine SARDINE : « Non ! Non ! Ça, c’est pas nouveau, on en fait tous les ans, j’ai dit des idées nouvelles»

Le p’tit LOUIS, à son tour, du fond de sa caisse à roulettes (il était paralytique) : « On peut faire un concours de bites, pour changer »

Volée de bois vert de la part des matrones : « Ah mais non alors ! Voilà ! Il suffit de demander aux hommes des idées nouvelles pour retomber dans le stupre et la débauche »

Et qu’est-ce qui lui a pris au vieux JULES après avoir bouloté 4 à 5 gobelets, mais qu’est-ce qui lui a pris de dire entre deux souffles rauques (il était poitrinaire) : « Et si on demandait au roi SPAGHETTI, on a qu’à lui envoyer un messager »

Tonnerre d’injures, levées de casseroles et de poêles à frire, jets de chaussures et d’oripeaux, la reine SARDINE et ses matrones explosent de colère et jettent ces gueux avinés dehors dans un fracas de chaises renversées, la grande table ronde elle-même qui avait accueilli les palabres les plus anciennes fût bousculée, retournée et enfin brisée…Le grand chaos !

Une fois seule et remise de ces émotions, la reine SARDINE eut alors une illumination : « La voilà mon idée nouvelle, je vais faire fabriquer une table rectangulaire et une seule chaise…Ainsi, désormais, je serai seule à m’assoir, le peuple restera debout à me regarder manger des crêpes à la Chandeleur…Il ne me reste plus qu’à apprendre à mes matrones comment on fait des crêpes…Qu’on m’apporte des œufs frais, une enclume et un maillet ! »

Jean-François RICCI conteur.