Archives Mensuelles: juin 2015

CHAPAREILLAN – LE TRAIN DE LA DISCORDE

Devinette :

Contre quoi 350 personnes ont-elles manifesté dimanche 14 juin 2015 à CHAPAREILLAN ?

  • Contre la construction d’une nouvelle voie ferrée entre LYON et TURIN, destinée à transporter des marchandises à travers l’Europe et passant par CHAPAREILLAN
  • Contre un projet ruineux pour les finances publiques dont le coût n’est pas maîtrisé
  • Contre une procédure d’enquête publique viciée ne respectant pas les règles républicaines de la consultation démocratique
  • Contre les nuisances d’un tel équipement ferroviaire (longue phase de travaux puis circulation de trains nuit et jour), aucune protection contre le bruit n’étant prévue
  • Contre l’impact sur l’environnement et le vignoble
  • Contre un marché public suspecté d’arrangements occultes et entaché de conflits d’intérêts
  • Contre le chantage erroné à la création d’emplois et au développement économique de la région
  • Contre le capitalisme et l’annonce d’accords commerciaux internationaux inféodant l’Europe à l’Amérique
  • Etc…

La réponse est :

Contre tout ça à la fois et chaque point en particulier.

Que l’on soit pour ou que l’on soit contre, tout le monde devrait se sentir concerné par la responsabilité d’une telle infrastructure. Responsabilité, c’est bien le mot, nous sommes tous responsables, ne serait-ce que par nos modes de vie, de cet équipement, de sa construction, de son financement, du débat public qui échappe au citoyen. C’est bien nous qui laissons faire et les bénévoles du CCLT (association de Chapareillan contre le Lyon Turin) sont bien isolés. Laisser faire… Sur les 350 manifestants du dimanche 14 juin, il n’y avait pas beaucoup d’habitants du village. Cela signifie-t-il que la quasi-totalité d’entre nous est pour le LYON/TURIN, ou qu’elle s’en fout, ou qu’elle pense que manifester ne sert à rien ?

  • A l’image de la majorité municipale de CHAPAREILLAN, soutenant le combat du CCLT du «bout des lèvres », essayant de ne pas «se mouiller » mais ne manquant pas de se faire photographier par le journal local devant une banderole, prétendant être mis sous pression par le Préfet, rejetant l’entière responsabilité de la manifestation sur le CCLT, ayant le « cul entre deux chaises » entre mouvement de pression hostile au train et « j’m’en foutisme » de son électorat
  • A l’image de la brève apparition de la maire salle polyvalente dimanche matin n’ayant même pas la politesse de présenter ses civilités à ses homologues maires des villages impactés
  • A l’image du mutisme des élus représentant notre commune à la table ronde, pas très à l’aise sur ce dossier comme sur tant d’autres, aussi diserts que les ballons gonflés à l’hélium flottant sur la plaine, attachés à des ficelles
  • A l’image de la disparition mystérieuse et subite, dès dimanche 14 juin au soir, de la banderole signifiant « commune contre le LYON /TURIN » comme si cette affirmation pouvait gêner en s’affichant trop longtemps

Cette équipe municipale-là, visiblement plus à son affaire devant une buvette ou dans les vapeurs d’une chaudière à faire le boudin, n’aura pas « mis le paquet » contre le LYON/TURIN pas plus que nos concitoyens d’ailleurs.

Peut-on dire pour autant que le combat du CCLT est à contre-courant de l’opinion générale des Chapareillanais ? Et peut-on dire, en suivant cette logique, qu’il y a plutôt une cohérence entre l’indifférence quasi générale des chapareillanais et les atermoiements de sa municipalité ? Il ne manquerait que le courage, pour les uns comme pour les autres, de dire ouvertement «Le LYON / TURIN, on en a rien à faire ! » ou alors « Le LYON/TURIN on est pour !» à l’instar de la plupart des élus du Grésivaudan, du département et de la région qui ont déjà rayé notre village de la carte d’un grand monticule de matériaux de 30 mètres de large et 7 mètres de haut… Belle perspective paysagère !

Mais dépassons toutes ces questions auxquelles nous n’avons pas à répondre puisque nous y étions, à la manifestation. Soyons positifs (même si ce n’est pas toujours le cas dans ce blog !) :

La belle mobilisation de nombreux bénévoles, la dignité des débats de dimanche matin, la qualité des intervenants, la solidarité exprimée envers nos amis d’Italie, de Nantes, de Roybon, de Chimilin, de Maurienne, l’organisation de la manifestation, l’impact médiatique qu’elle a eu et ce qu’il en restera, ont donné raison au CCLT : il faut lancer le débat sur les grands projets coûteux, il s’agit encore une fois de notre responsabilité citoyenne et tant pis si cette association n’est pas bien payée en retour de la diplomatie dont elle a fait preuve jusqu’à ce jour à l’égard de la nouvelle municipalité de Chapareillan !

Dans ce débat là et en réponse à la devinette introduisant ce texte, c’est l’éventuel contenu des wagons (Textiles asiatiques pas chers, gadgets chinois en plastique, voitures Low coast, denrées et produits divers) qui me pose problème. Est-ce que les contribuables doivent absolument payer la note de la mondialisation et de ses délocalisations ? En effet, les industriels d’aujourd’hui vont produire là où ça coûte le moins cher, en toute logique capitaliste, quitte à mettre nos ouvriers au chômage pour faire cravacher les enfants d’Orient, quitte aussi à nous faire payer le transport de leurs marchandises par l’impôt et les nuisances à subir. Tout ça pour nous « refourguer » ce que nous parvenons encore à consommer !

« Encore un discours altermondialiste » me diront ceux qui estiment que la mondialisation a fait sortir quinze milliards d’humains de la pauvreté. Qu’est-ce qu’un vignoble de quelques hectares quand il se produit tant de vin ailleurs dans le monde ? Qu’est-ce que le bruit d’un train de marchandises toutes les dix minutes quand on dispose de bouchons d’oreilles et de vitrages isolants très performants ? Qu’est-ce que ce village de « bobos et de 3B » coincé entre Isère et Savoie qui ne parvient même pas à organiser sa vie publique démocratiquement entre bannissement de sa minorité municipale et atteinte majeure aux élémentaires principes républicains ?

Le dimanche 14 juin 2015 restera gravé dans l’histoire de Chapareillan comme un jour où quelquechose d’important s’est passé. Le projet de ligne de fret entre LYON et TURIN réunit suffisamment d’arguments pour créer la concorde plutôt que la discorde. Mais je dois bien avouer être plus prompt à provoquer la seconde plutôt que la première !

Jean-François RICCI

Petit conte rigolo de la fête des pères

Chaque jour, dissimulé dans un fourré, Gilou le bûcheron guette la princesse Anne à l’heure de sa promenade. Vêtue d’une longue robe blanche ourlée de dentelles dorées laissant nues ses épaules rondes, coiffée d’une longue tresse ondulant le long d’un cou si fin qu’on craint d’y poser un baiser de peur de le briser, elle chemine d’un pas léger et d’une démarche chaloupée, au bord de l’étang sur l’onde tranquille duquel flottent des nénuphars en fleurs.

Soudain, d’un arbre proche, un écureuil tombe dans la mare et, meilleur grimpeur que nageur, coule à pic, seul le panache roux de sa queue apparait encore.

Hardie et sans crainte, fidèle à la devise de sa noble famille, la princesse relève le bas de sa robe découvrant des mollets fins et galbés, s’engage sans hésiter dans le marigot, saisit la queue du pauvre animal, le sauvant ainsi d’une funeste fin : la noyade.

L’écureuil se transforme alors en un beau prince charmant, richement vêtu, deux grandes plumes de paon ornant son chapeau aux larges bords, il dit :

« Belle princesse vous m’avez sauvé la vie, puis-je vous demander une seconde faveur »

La princesse hébétée : « Que puis-je encore pour vous beau prince ? »

Le prince : « Pouvez-vous me lâcher la queue ? »

 

Chapareillan sous le règne du mensonge ou de l’inconséquence ?

Ce blog a des effets positifs : Le plaisir que je prends à écrire toutes sortes de bêtises et certains à les lire, les débats d’idées qu’il provoque, les informations que, mine de rien, sous différentes formes il fait passer, la défense de la démocratie qu’il prend, etc.

Il a également des effets négatifs dont le principal est le courroux proche de l’ulcération qu’il provoque dans la municipalité. Du coup, lors des conseils municipaux, les élus de la minorité auxquels j’apporte mon soutien se font incendier comme s’ils étaient responsables de ces lignes.

Alors moi ! Magnanime et doué d’une grande délicatesse, je me dis « Je ne vais pas publier les lignes qui suivent avant le conseil municipal… Comme ça, les copains, ils ne se feront pas engueuler ! ». Eh bien le croirez-vous ? Ils se font engueuler quand même ! C’est à n’y plus rien comprendre.

Chapareillan vit sous le règne du mensonge. Un article des élus de la minorité municipale, récemment publié sur le blog Energies Chapareillan, démontre que la nouvelle municipalité de Chapareillan a tenu et publié des propos erronés sur l’état des finances communales !

Il ne s’agit pas ici de revenir sur le détestable épisode de la campagne électorale 2014 au cours de laquelle calomnies et fausses nouvelles ont fait fureur. Des promesses, aussi, ont pu être faites sur le seuil des portes : Un permis de construire ici, un élargissement de route là, elles n’engagent que ceux qui y ont cru !

On pourrait également évoquer les déclarations équivoques (Privatisation de l’eau, création de commerces et de services…) la faute la plus grave résidant dans les démentis catégoriques et mensongers qui ont fait suite lors d’assemblées municipales.

Est-il raisonnable d’aggraver le cas de cette municipalité en dénonçant auprès des lecteurs de ce blog les « oublis » des élus ayant participé au mandat 2001/2008 sous l’étiquette CHAPA’ AUTREMENT et qui réfutent aujourd’hui avoir bénéficié à l’époque d’une salle communale pour leurs permanences et réunions (salle d’animation de la bibliothèque) et de la possibilité de s’exprimer dans le bulletin municipal (Bulletins municipaux conservés en archives prouvant le contraire) ? Rappelons simplement qu’aujourd’hui la minorité municipale est privée de cette possibilité d’exercer son mandat démocratiquement et que les questions qu’elle pose n’apparaissent même pas au compte-rendu du conseil municipal.

Il s’agit plutôt de dénoncer ici la campagne de dénigrement engagée contre la gestion de l’ancienne municipalité : Une réunion publique et un document spécial sur les finances (FOCUS) ont tenté de nous faire croire à la faillite de la commune et à son incapacité à emprunter avant 5 ans. Tout cela était faux !

Il s’agit aussi de s’interroger sur le contenu de la commande passée à un cabinet d’audit missionné en 2014 pour alimenter cette cabale. En effet, autant on peut pardonner les erreurs commises par des élus inexpérimentés, fussent-ils inconséquents dans leur propos, autant on peut attendre de la part d’un professionnel compétent une analyse juste et impartiale.

Il s’agit enfin et surtout de se questionner sur la moralité des membres de la majorité municipale : dupes ou complices ? Méprisés ou méprisants ?

A l’heure où l’administration communale échappe à tout contrôle citoyen (suppression des commissions, refus de créer une commission d’appels d’offres, budget préparé dans « l’intimité familiale »…) on peut se demander comment accorder (ou maintenir selon pour qui l’on a voté) sa confiance à une municipalité qui use à ce point de contre- vérités ?

Le budget 2015 est voté, les investissements ont repris, la capacité d’emprunt de la commune reste bonne, les lignes de crédit tant décriées sont maintenues car nécessaires. Ce sont, paradoxalement, les recettes qui diminuent malgré les fortes augmentations des tarifs communaux pesant sur le budget des familles et les subventions qui manquent à l’appel (En a-t-on seulement fait la demande ?). La gestion « boutiquière » mise en œuvre en 2014 ne fait pas ses preuves pour l’instant.

Il faut appeler les contribuables et les administrés à la plus grande vigilance quand tout peut être dit et son contraire à quelques semaines d’intervalle. Nous attendons des élus une parole vraie, c’est le moindre des respects dû aux électeurs.

Jean-François RICCI

LA LEGENDE DU PRINCE ERRANT

Il était une fois un petit royaume dont le roi était parti à la guerre pour repousser les invasions sarrasines. Au soir d’une ultime bataille victorieuse, il ordonna le grand  retour (lire dans ce blog le conte de Pâques).

Couverte de gloire et précédée d’une grande renommée, la troupe se présenta par une fraîche journée de printemps aux frontières du royaume. Une délégation fut dépêchée pour préparer l’entrée triomphale de l’armée victorieuse dans le bourg mais une fois devant la fortification entourant le château, elle trouva porte close. Du haut du rempart, entre les créneaux apparurent les visages chafouins de la reine SARDINE et de ses matrones, lesquelles avaient mis à profit l’absence du monarque et de tous les hommes valides pour prendre le pouvoir absolu. L’une d’elles cria :

« – Nous ne voulons pas de vous en ces murs…Nous n’avons pas confiance en vous…Nous ne vous aimons pas ! »

L’armée du roi SPAGHETTI se retrouvait à la porte. On vit même des sacs de jute remplis d’oripeaux tomber des mâchicoulis. L’heure était aux divorces et aux ruptures. L’absence des hommes de guerre avait donné aux femmes du royaume des envies d’indépendance et plus particulièrement à la reine, une soif de domination autocratique. Maintes palabres et tentatives de négociation échouèrent. Le pouvoir ne serait pas partagé, les hommes n’auraient plus leur mot à dire.

Dépité par un tel bannissement, le roi répudié se retira alors de ces terres ancestrales où il avait tant fait. Seul et ténébreux, il entreprit une longue errance dans des contrées lointaines. De sa disparition naquit une légende. Trouvères et troubadours, commères et conteurs, tout individu doué de la parole et mis en présence d’un quelconque auditoire, transmettait le récit des aventures fabuleuses du monarque déchu :

D’après l’un, le roi SPAGHETTI gravit les plus hautes montagnes du monde et survécut à un terrible tremblement de terre… D’après l’autre, il échappat de justesse à l’avancée des coulées de lave issues de l’éruption du plus grand volcan d’Italie… Celui-ci racontait comment une fameuse épée d’acier, retirée du rocher dans lequel elle était scellée, permit de combattre démons et dragons… Celui-là évoquait d’épiques parties de go avec des mandarins chinois, d’interminables entretiens philosophiques avec SOCRATE, des théories et des calculs avec THALES et PYTHAGORE, une plongée dans l’histoire des civilisations avec HERODOTE… Découvrant la démocratie d’ATHENES, déchiffrant l’écriture cunéiforme des tablettes en terre de MESOPOTAMIE, recherchant l’harmonie musicale auprès des bardes de GERGOVIE , vendangeant avec BACCHUS, chevauchant les plus belles montures d’AUGIAS roi d’ELIDE, naviguant sur un fabuleux vaisseau barré par ULYSSE, volant même, exagérait-on, aux côtés d’EOLE muni d’ailes mécaniques conçues par LEONARD DE VINCI, se portant au secours des opprimés, multipliant les pains pour les affamés… On alla même jusqu’à prétendre que la mer s’ouvrit en deux fantastiques vagues pour lui laisser l’accès libre au plus grand désert de sable du monde. Aucune divinité, aucun lieu réputé, aucune épopée ne manquaient aux récits qui couraient de bouches à oreilles amplifiant la rumeur publique. Comment les légendes dégénèrent-elles au gré de ce que l’on veut bien entendre !

Pour la reine SARDINE et ses matrones c’en était trop, elles rongeaient leurs mors et enrageaient à l’écoute de ces récits épiques qui faisaient enfler la légende. Moins on voyait le roi SPAGHETTI et plus grande était sa renommée. Plus il s’éloignait du royaume et plus nombreuses arrivaient les nouvelles de ses aventures. Que faire pour endiguer un tel flot de paroles ?

Un grand maître en communication fut consulté, il avait acquis ses lettres de noblesse dans l’art de dire aux gens ce qu’ils voulaient bien entendre et ce que l’on voulait surtout qu’ils répètent à l’envi. PHILEMON était son nom, il donna ce conseil :

«- Usez de la maïeutique et découvrez ce qui vous habite car votre ennemi, lui, a rencontré SOCRATE… Il sait ! Il a étudié les quatre sciences (arithmétique, géométrie, astronomie, musique)… Il sait ! Il a trouvé l’harmonie et veut bâtir désormais un monde juste, égalitaire, équitable… Il sait ! Sachez vous-même ! ».

La sentence plongea la reine et les matrones dans l’hébétude:

« – Ce qui nous habite ! Ce qui nous habite ! Mais que veut-il dire par là ? Nous ne sommes tout de même pas des maisons, des meubles, des tiroirs… Sachez vous-même ! Sachez vous-même ! N’avons-nous pas assez de connaissances comme ça ? Faudrait-il retourner à l’école ? »

PHILEMON entreprit un long travail introspectif avec la reine et ses matrones afin de les aider à comprendre en premier lieu qui elles étaient vraiment et en second lieu ce qui était en elles. Stupéfaction ! Il conclut à une irrémédiable vacuité ! Là se trouvait donc la motivation essentielle du fonctionnement autocratique mis en œuvre par cette petite reine : ne pas étaler au grand jour son incapacité à régner, l’autorité faisant loi. Mais comment le dire sans fâcher ? Il adopta la stratégie du renard, flatter les unes pour tirer profit de l’éventuel retour de l’autre. Nul doute effectivement que, face à un tel déficit intellectuel, le peuple réclamerait un jour le retour du monarque éclairé.

« – Mesdames, il ressort de nos entretiens que vos connaissances et vos manières n’ont pas d’égales et que vous n’en devez point varier. Dirigez sans partage, tout autre mode d’administration est bien trop complexe, taxez sans limites, le trésor du royaume ne s’en portera que mieux, les riches vous en sauront gré, les pauvres iront vivre ailleurs, ne rendez publiques que les bonnes nouvelles, taisez les mauvaises, paradez là où il faut être vu, affirmez être auteurs de tous les bienfaits.

Quand à votre ennemi, le roi SPAGHETTI, calomniez le autant que faire se peut, il en restera toujours quelque chose !».

Depuis lors, dans ce petit royaume, on passe une grande partie de son temps à faire et défaire les réputations, salir la mémoire des uns ou affabuler sur les mérites des autres, selon si l’on veut nuire ou satisfaire mais jamais, oh grand jamais, on ne parvint à éteindre la flamme de la légende du prince errant.

Jean-François RICCI

Et si l’on parlait de la peste, pas la brune, la vraie !

En octobre 1629, Jean Burlet, jeune prêtre originaire de Bellecombette où son père est notaire, se rend au château d’Herbeys, pour être nommé curé de Bellecombe par Pierre Scarron, évêque de Grenoble, qui a quitté la ville épiscopale « à cause du mal contagieux ». Ce mal qui ne dit pas son nom, c’est la peste [du latin pestis : le fléau].

Depuis trois siècles, les Européens ont vu passer et repasser la terrible épidémie, après la première attaque de 1348-1352 qui ravagea toute l’Europe, éliminant, selon certains historiens, la moitié de sa population. Au milieu du 14e siècle, on avait oublié ce mal disparu d’Occident depuis six siècles. On chercha des explications. On avança la conjonction des astres, l’apparition de comètes, l’exhalaison de vapeurs nocives des entrailles de la terre, le châtiment divin de l’humanité pécheresse. Et, comme toujours, on se mit en quête de boucs-émissaires. Les semeurs de peste furent vite désignés : les juifs, accusés d’empoisonner les fontaines, de fabriquer des onguents vénéneux pour enduire les boutons de porte et les rampes d’escalier. La mortalité de cette communauté, aussi importante que celle des autres, ne frappa personne. De nombreux massacres s’ensuivirent, dont au moins un dans la prison du château de Chambéry. Le plus grand carnage se déroula à Mayence, en Allemagne, où 12000 juifs furent brûlés en quelques jours, au point de faire fondre le plomb des vitraux de la cathédrale.

La menace d’excommunication des auteurs de ces crimes par le pape Clément VI, ne fut pas d’un grand effet. Par la suite, les tueries se firent plus rares : on se « contenta » de l’expulsion et de la spoliation des biens de ces prétendus responsables. Dans un article de l’Académie de Savoie de 1854, le marquis Costa de Beauregard accusera encore les juifs de la diffusion de la peste.

Les causes scientifiques du mal ne seront clairement identifiées qu’à la toute fin du 19e siècle, avec la découverte par A. Yersin, du rôle déterminant de la puce du rat dans la dissémination du bacille et sa transmission à l’homme.

Après la première vague du 14e siècle, la pandémie reviendra épisodiquement, touchant des régions entières, épargnant des villes ou des villages plus chanceux, jusqu’à son ultime manifestation meurtrière dans la région de Marseille en 1720. En Savoie et Dauphiné, les historiens ont identifié plus d’une quarantaine d’épidémies entre 1348 et 1640.

Lorsque Jean Burlet prend possession de sa paroisse à l’automne 1629, le mal a peut-être déjà atteint Chapareillan où le 9 mai, une fille a été ensevelie sans cérémonie, car elle avait « quelques verolles noyres ». Les registres paroissiaux de Bellecombe et Chapareillan nous apportent de précieuses indications, les seules disponibles à notre connaissance, avec les actes notariés. Jean Burlet va résister à la maladie, tenant ses registres de sépultures, avec cependant deux interruptions de quatre et trois mois. Lorsque cela tourne à l’hécatombe, le jeune curé ne rédige plus complètement les actes et s’en tient parfois à une simple liste des défunts. Antoine Perier, le curé de Chapareillan, n’aura pas le même destin : il disparait en octobre 1630, les registres de sa paroisse ne seront plus tenus durant l’épidémie et resteront lacunaires jusqu’en 1664. À Bellecombe, dès le mois d’août 1630, le mal est présent, mais pas encore vraiment identifié. On constate la mort à quelques jours d’écart de trois membres d’une même famille dans la seconde quinzaine du mois. Le cinq septembre, un certain Félix Duvillard est « ensépulturé » au-devant de sa maison par ordonnance du châtelain, «à cause de quelques soupçons ».

Les propres parents du curé décèdent en l’espace d’une semaine, le 26 septembre et le 3 octobre.

Lorsque l’on prend conscience du danger, on enterre les morts sans cérémonie, souvent près de leur maison ou de leur jardin. À la lecture des actes, on constate une accélération brutale des décès. Des familles disparaissent : le curé utilise alors la formule « est mort untel, le dernier de son nom ». On a construit des cabanes éloignées des villages pour l’hébergement des malades et limiter la propagation du mal. La plupart doivent y mourir et sont enterrés sur place. Ces cabanes se trouvent aux Mollards, d’après un acte de mai 1631. Il s’agit peut-être de la colline dominant Bellecombette qui porte toujours le nom de Mollard et où se trouve une vielle croix, vestige hypothétique d’un cimetière des temps de peste. Un dernier acte de sépulture du trois décembre 1631 évoque « le mal contagieux ». Après une dernière interruption inexpliquée de trois mois de la rédaction des actes de sépulture, les enterrements reprennent au cimetière, avec cérémonie et témoins.

La vie semble retrouver un cours normal dès 1632. Les mariages, rares pendant l’épidémie, sont plus nombreux, la natalité est élevée. La mise en place de plusieurs croix dans les décennies suivantes manifeste probablement la volonté de conjurer le mal en plaçant la population sous la protection divine. La pose de croix, d’exvotos, la pratique des pèlerinages à la suite des épidémies sont, en effet, une pratique constante dans tout le monde chrétien. On relèvera ailleurs des manifestations dites du « triomphe de la vie », moments d’excitation collective, avec relâchement de la morale traditionnelle, adoption de modes vestimentaires audacieuses… en attendant une nouvelle attaque de la maladie.

L’épidémie qui a touché la communauté de Bellecombe/Chapareillan s’inscrit dans un phénomène plus large qui ravagea l’Europe de 1628 à 1632, favorisé par les passages de troupes [Nous sommes alors en pleine guerre dite de trente ans, et Louis XIII, roi de France, assiège Montmélian en 1630. La peste l’oblige à lever le siège]. En 1640, la peste atteint de nouveau Chambéry. Bellecombe est épargné : le curé n’y fait aucune allusion et le rythme des décès est constant. Quant à la paroisse de Chapareillan, nous n’avons pas d’indication, le curé ne tenant pas le registre des sépultures.

Peut-être est-ce à cette époque qu’est instauré le pèlerinage à Myans des habitants de Bellecombe, Chapareillan et Barraux, le jour de la saint Roch (le 16 août). Nous n’en connaissons l’existence que par son abrogation au 18e siècle. En effet, le 27 mai 1746, Jean de Caulet, évêque de Grenoble, impose la suppression de cette manifestation. Ces expressions de religiosité populaire et la sociabilité qui les accompagnait, étaient généralement mal vues de la hiérarchie catholique, surtout depuis le concile de Trente.

On peut imaginer que le « danger pesteux » n’ayant pas réapparu depuis plus d’un siècle, la convivialité et l’esprit festif avaient pris le pas sur la dévotion. Les occasions de se divertir étaient rares… et on produisait localement du vin qui, sous le soleil d’août, pouvait pousser à quelques dérèglements.

En tout cas, l’évêque se montre sévère lorsqu’il écrit « que la longueur du chemin donne lieu a plusieurs de se livrer à des yvrogneries et a d’autres excès, de sorte que plusieurs de vos paroissiens ne font de ce jour entier qu’un exercice de provocations, de plaisirs et de débauches… qu’il arrive souvent que des vieillards et de jeunes personnes animés d’un véritable esprit de piété sont souvent très incommodés de la fatigue de ce pèlerinage, nous avons jugé nécessaire de remédier aux abus qui s’y sont introduits ».

Joseph Bietrix, curé de Chapareillan attendra le 14 août 1746, soit l’avant-veille du pèlerinage, pour publier l’ordonnance épiscopale. Quelques jours plus tôt, il avait passé une convention avec Joseph Roybon, notaire du mandement de la Buissière et de Bellecombe, par laquelle ce dernier mettait à disposition un terrain pour la construction d’une chapelle dédiée à saint Roch. Le prêtre compensait ainsi l’extinction du pèlerinage. Construite à l’angle des actuelles rue de l’Épinette et rue Saint-Roch, on n’y exerça le culte qu’occasionnellement, jusqu’à la Révolution. Connut-elle la même affluence que le pèlerinage ? Le 18 ventôse an deux de la République [8 mars 1794], un inventaire des objets du culte de la chapelle est dressé par les officiers municipaux de Chapareillan. À cette date le bâtiment a été transformé en corps de garde et les objets ont été transportés chez Jean-Baptiste Dallière, qui habite à proximité. Une dizaine d’années plus tard, le bâtiment deviendra la première maison commune de Chapareillan. Elle le restera plus d’un siècle, jusqu’à la construction sur le pré de foire, de la mairie actuelle inaugurée en 1913. Elle sera convertie, après diverses transformations, en salle de répétition pour la fanfare, hangar des pompiers, local associatif, etc.

Elle sera démolie en 1998 dans le cadre de l’aménagement du quartier de l’ancienne fruitière.

C. Colloud