Archives Mensuelles: août 2015

Commémorer la libération

Je viens de recevoir une invitation à la commémoration du mois d’Août signée de la main distinguée de monsieur le Maire-adjoint de CHAPAREILLAN. Surprise de ma part, éternellement interloqué par le culot des ennemis de la démocratie locale.

  • Vu le traitement réservé par l’actuelle majorité municipale à son opposition, la privant de l’exercice de son mandat électif, madame la Maire faisant preuve d’un autoritarisme extrême, on s’attend plutôt à recevoir une invitation à fêter JEANNE D’ARC.
  • Vu le mode de gestion poujadiste mis en œuvre dans les finances communales, on s’attend, pour le coup, à commémorer SAINT EXPEDIT (et son corbeau) dont la statue de plâtre trône en l’église de BELLECOMBE.

Voilà donc convoqués les quelques glorieux ainés encore vivant ayant résisté au nazisme et au pétainisme. A la libération, ils fêtaient le retour de la démocratie, de la liberté de conscience et d’agissement. A la libération, ils décidaient d’instaurer le principe de solidarité nationale édicté par le Conseil National de la Résistance. A la libération, la fête a été de courte durée, quelques défilés, quelques règlements de comptes, le Général DE GAULLE faisant la grande tournée des villes et des villages, clamant sous les marronniers de la place de la Mairie « La France aux Français » pour imposer aux alliés l’image d’une France forte malgré ses blessures et capable de reconstruire son identité nationale.

Pendant ce temps-là, les combattants des maquis continuaient la guerre, poursuivant l’ennemi jusqu’en Autriche, démobilisés pour certains en 1948.

On ne commémore pas cette page tragique de notre histoire simplement pour une photo dans le journal. La plus élémentaire honnêteté intellectuelle voudrait qu’on partage les valeurs de la résistance et les principes inscrits dans la déclaration du CNR : la démocratie, la solidarité, l’humanisme.

C’est dans cet esprit que cette cérémonie fut créée à l’initiative de la municipalité EHRARD. A cette époque, une lourde chape recouvrait la mémoire des combattants de l’ombre.

Le plus grand respect que l’on doit aux résistants survivants qui seront encore présents à cette commémoration, ne consiste pas seulement à leur offrir un vin d’honneur et une tape dans le dos, encore faut-il leur montrer que la démocratie locale est respectée et que la solidarité (nationale ou communale) est à l’œuvre. Monsieur l’adjoint au maire de CHAPAREILLAN ne devrait pas, à cet égard, être très à l’aise dans son costume.

Jean-François RICCI

Discours de la commémoration de la libération en 2012

Il y a quelques jours j’évoquais cette commémoration avec quelques personnes et l’un d’elles s’interrogeait sur l’opportunité de ce genre d’événement, s’inquiétant même de la réactivation du chauvinisme ou de la germanophobie qui pourrait en découler.

En fait que commémorons-nous à la fin août chaque année ?

En 1944, il y a dans le village quelques résistants, un réseau d’information. Parmi eux, Émile BOUVIER, assisté d’une équipe d’agents de liaisons composée de jeunes filles du pays organisées en sizaine (Émile Bouvier sera maire de Chapareillan de 1945 à 1959). Mais la grande majorité de la population vit dans la crainte et l’attentisme. Nous sommes à trois kilomètres du camp du fort Barraux, devenu camp de regroupement pour les « indésirables » dès le 24 juillet 1940.

Nous sommes ici dans la zone dite libre jusqu’en novembre 1942. À la suite du débarquement des Alliés en Afrique du nord, les Allemands envahissent militairement cette zone et confient les départements alpins aux troupes italiennes. Les troupes allemandes prennent le contrôle total en septembre 43, à la suite de l’armistice demandé par l’Italie.

Chapareillan n’a pas été un village martyr, sa libération n’a pas donné lieu à des combats armés avec l’occupant et la remontée des troupes alliées vers Lyon depuis Grenoble s’est opérée au-delà de la Chartreuse. Ici, on a vu une patrouille américaine en jeep qui fut accueillie chaleureusement. Ce fut l’élément déclencheur du retour à un processus démocratique avec l’éviction de la délégation spéciale. Cette instance avait été mise en place par le régime de Vichy deux ans plus tôt, en remplacement du conseil municipal dissous. C’est la liberté retrouvée, la peur qui s’estompe après ces années de silence et de défiance.

Pourtant l’été 1944 a été lourd d’événements dramatiques. À partir du 8 juillet, les troupes allemandes occupent le village. Pour situer, c’est le moment de la bataille du Vercors qui se terminera tragiquement pour les combattants et pour la population. C’est là qu’intervient l’arrestation d’Henri Clerc, maquisard de la compagnie Dax. Il est venu rendre visite à son épouse enceinte, au hameau des Truchons. Dénoncé, il est enfermé ici, dans la mairie, tabassé, torturé. Son tourmenteur ne vient pas d’outre-Rhin, c’est le chef français du fort Barraux, déplacé d’un autre camp pour brutalité envers les détenus. Il connaissait bien la région puisqu’il avait été gendarme à Chapareillan une vingtaine d’années plus tôt. Et Il connaissait bien également sa victime qui avait travaillé quelque temps comme gardien au fort. On verra plus tard Henri Clerc extrait de la mairie, un sac sur la tête. Il est embarqué et on perd sa trace. Qu’est-il advenu de lui ? Peut-être est-il mort des suites du traitement subi, ou a-t-il été liquidé et s’est-on débarrassé de son corps ? Henri Clerc ne figure sur aucune liste de déportés vers les camps.

Dans la matinée de ce dimanche 9 juillet, tous les hommes sur lesquels l’occupant peut mettre la main sont raflés et regroupés sur cette place. Ils sont plusieurs dizaines, sur le kiosque et sur le kiosque de l’hôtel Tissot. Heures d’angoisse dans l’attente des vérifications d’identité. Finalement, ils sont relâchés dans l’après-midi. Les vexations continuent, les maisons sont fouillées. Les allemands quittent la commune quelques jours plus tard.

Je reviendrai sur cette journée, car tout le monde ne s’en est pas sorti.

Le samedi 12 août, nouvelle journée de tension et de peur. On sait qu’une partie du chef-lieu de Sainte-Marie-du-Mont a été incendiée par l’occupant en juin et on craint le passage des troupes d’occupation.

À la suite de l’accrochage entre un convoi allemand et un groupe de maquisards descendus de l’Alpette, les allemands investissent le village, remontent de chaque côté de la grand-rue, prennent deux otages qu’ils installent à l’avant d’un véhicule, stationnent sur la place et encadrent même un mariage qui se déroule ce jour-là.

Une dizaine de jours plus tard, la menace s’est définitivement éloignée.

Après ces drames, ces tensions, il faudra reprendre une vie plus normale. On oubliera ou on fera semblant d’oublier.

Ici comme ailleurs, l’Histoire ne s’arrête pas aux salauds, dénonciateurs, collabos et en face, de l’autre côté du grand marais des attentistes, ceux qui ont sauvé l’honneur, les résistants actifs qui sont passés à l’action par conviction philosophique ou politique, et parfois dans l’insouciance et l’inconscience de la jeunesse.

Je veux parler des oubliés et c’est leur mémoire que je voudrais évoquer. Lorsque le nazisme a pris le contrôle absolu de l’Allemagne puis de la quasi-totalité de l’Europe, ceux qui l’ont pu se sont lancés dans une fuite éperdue. Beaucoup sont arrivés en France, juifs, opposants politiques. Comment auraient-ils pu imaginer que notre pays chargerait ses propres forces de l’ordre de les livrer à leurs bourreaux ? C’est pourtant ce qui s’est passé à la suite des accords entre Bousquet, le patron de la police française, et Oberg, chef des SS en France, qui prévoyait également l’arrestation des juifs étrangers de la zone prétendue libre. On en arrivera parfois à cette situation ubuesque où des éléments des troupes italiennes qui occupèrent les Alpes de novembre 42 à septembre 43, s’opposeront aux arrestations perpétrées par la police française.

À partir de mai 1943, des juifs de différentes nationalités passent par Chapareillan. Ils séjournent dans les hôtels ou chez l’habitant. Fichés, ils tentent de passer entre les mailles du filet.

Je voudrais citer quelques noms :

Abraham Rosemblum arrivé à Chapareillan le 27 mai 1943, arrêté presqu’aussitôt et emmené. Plus de trace. À cette date, les Allemands n’occupent pas encore l’Isère.

Sara Knopp arrivée à Chapareillan le 5 juin 1943. Elle séjourne à l’hôtel Charrot et quitte la commune sans laisser d’adresse. Arrêtée plus tard, elle est déportée par le convoi qui quitte Drancy le 7 octobre et meurt à Auschwitz le 12 octobre 1943, cinq jours plus tard, juste après l’arrivée au camp.

Ludwig Halperin, arrivé le 1er mai 1943, il quitte la commune sans prévenir. Arrêté, il fait partie du convoi qui quitte Drancy le 7 décembre 1943. Meurt à Auschwitz cinq jours plus tard.

Moszdek Sredniki, arrivé à Chapareillan le 1er juin 1943, hébergé dans une famille au Villard, arrêté ce fameux 9 juillet 1944 par la Gestapo. Meurt à Auschwitz moins d’un mois plus tard, le 5 août 1944.

Henz Korgold, arrivé à Chapareillan le 11 mai 1943, arrêté aussi par la Gestapo le 9 juillet 1944, mort aussi à Auschwitz le 5 août 1944.

Albert Windubler et son épouse, allemands, arrivés le 8 mai 1943. Ils logeaient à l’hôtel Tissot, Arrêtés par la gestapo le 9 juillet. Plus de trace.

Nous n’avons pas les noms de tous ceux qui ont été arrêtés le 9 juillet.

D’autres ont pu en réchapper, grâce à la discrétion de la population mais également grâce à des complicités actives.

À ces victimes, je voudrais donc associer les noms de quatre personnes :

Denise Paulin, alors religieuse de l’ordre de Notre-Dame-de-Sion à Grenoble, fait partie d’une organisation clandestine qui sauve de nombreuses personnes. Certaines sont hébergées par Louise et Joséphine Paulin, ses parents, dans leur maison de Chapareillan.

Mme Renée Maillard, mère de sept enfants, prend en charge pendant plus d’un an, une petite fille qui lui est confiée par Denise Paulin.

Certains d’entre vous doivent se souvenir de Denise Paulin, devenue Mm Aguadich, qui passait quelques semaines chaque année dans sa maison, rue de l’Épinette.

Ces quatre personnes font partie de ceux que l’on appelle les Justes parmi les nations.

D’autres familles ont également pris le risque d’assister les traqués, les cachant au besoin.

Avant de conclure je vous citerai le nom de deux enfants :

André Michel Wulfowitz né à Chapareillan le 25 juin 1944, et que ses parents cachés par la famille Paulin, ne déclareront à l’état-civil que le 20 avril 1945.

Le fils d’Henri Marcel Clerc, né Le 5 janvier 1945, au hameau des Truchons, cinq mois après la disparition de son père. On le prénomme Henri Marcel, comme son père.

Pas loin d’ici, les Allemands vont s’accrocher en Haute-Maurienne jusqu’à la fin avril 1945. Dans les troupes de montagnes françaises reconstituées qui leur font face, dans des conditions d’une rigueur extrême ; André Bellet, de Chapareillan, est tué au Mont-Froid, le 12 avril 1945.

Commémorer, 68 ans après, ce n’est pas faire preuve de chauvinisme ou d’esprit de revanche. C’est maintenir la mémoire, tirer les leçons de l’Histoire dont on prétend qu’elle ne se répète pas.

À ne pas vouloir la connaître, on prend tout au moins le risque de la voir hoqueter.

Tenter de faire revivre, ne serait-ce que quelques instants, en citant leurs noms, quelques personnes dont le destin s’est noué ici, membres de familles probablement anéanties, disparus dans les camps d’extermination de Pologne, c’est, modestement, accomplir un devoir envers ces victimes de la barbarie, de l’indifférence et de l’oubli.

Ch. Colloud, août 2012

Porteurs d’eau oui… Porteurs de projet ?

C’est lors d’épisodes caniculaires comme celui de cet été 2015 que l’on apprécie le plus la ressource naturelle qui caractérise notre planète bleue : L’eau.

Les ruisseaux souffrent, leur débit diminue jusqu’à disparaître sous les galets, d’étranges algues grises se forment, l’odeur des égouts parasites non collectés s’intensifie. Les gros orages sont vécus comme des phénomènes libérateurs !

Quant à l’eau du robinet !

Chaque année ou presque et ceci depuis toujours, l’eau de la source des EPARRES devient impropre à la consommation durant quelques heures à la faveur de fortes chutes de pluie, entrainant quelques bactéries ou de violents orages chargés de boue. En vérité, cette situation est connue depuis que les normes de distribution de l’eau potable imposent un contrôle régulier de sa qualité (chaque facture d’eau est d’ailleurs accompagnée d’un rapport au titre de l’obligation d’informer les consommateurs). Ce qui sous-entend qu’avant la réglementation… on buvait quand même !

Issue du mont Granier, cette eau-là, abondante et claire, s’infiltre dans les failles et porosités du massif calcaire, se stocke dans diverses cavités et résurgent en différents lieux (Les spéléologues qualifient notre montagne de « véritable gruyère » tant elle contient de grottes et galeries).

Osez la promenade vers la source du CERNON en période estivale pour bien comprendre le phénomène de la résurgence des eaux souterraines (Attention ! Un passage délicat sur le chemin d’accès équipé d’un câble). La cavité creusée dans le rocher forme un impressionnant surplomb.

Le captage de la source des EPARRES a été construit par nos lointains ancêtres. Il s’agit d’un édifice souterrain en pierre constituant une chambre de captage de l’eau sortant d’un pierrier. Une canalisation (installée là depuis 90 ans pour certains tronçons) achemine l’eau de source vers les réservoirs de la commune en traversant la forêt (63 propriétaires forestiers sont concernés par cette servitude). Jusqu’aux réservoirs, l’eau n’est pas considérée comme potable. Un dispositif de traitement par rayons ultra-violets est opérationnel depuis les années 90, renforcé en cas de gros trouble (Pollution ou turbidité) par un traitement au chlore.

Je ne vous invite pas à visiter la source des EPARRES, même si un sentier y conduit, car c’est un site sensible qui devrait être protégé de tout risque de pollution par un enclos.

Grâce à un système d’alerte performant, le service des eaux est avisé et peut intervenir rapidement pour éviter que la consommation de l’eau ne nuise à notre santé. Traditionnellement, un petit apport de chlore rétablit la situation rapidement. Mais comme le disent nos anciens : « Cette eau-là n’a jamais tué personne!». Seul le principe de précaution, en vigueur dans notre monde moderne, provoque une mobilisation frénétique (tournées d’annonces avec haut-parleur, distribution d’eau en bouteille, mobilisation générale des services, etc.). Tout ça pour nous éviter une éventuelle diarrhée ! Dans le monde du travail, on connaît cette tendance à vouloir prévenir tous les risques à tel point qu’un jour, même rester couché sera considéré comme risqué (chute de réveil matin, étouffement sous la couette, etc.!).

La sécurité absolue sur la potabilité de l’eau n’est pas un but facile à atteindre. En revanche, la rénovation des réseaux de captage et de distribution est une préoccupation constante des communes. Les lois sur l’eau (1992, 2012) ont instauré différentes obligations, dont le traitement de l’eau potable avant distribution et l’information due aux consommateurs, le principe (si cher à notre municipalité) de consommateur/payeur et la création d’un budget spécifique.

Dans ce contexte législatif, notre commune n’a donc pas le choix : Elle doit rénover le réseau d’eau et l’entretenir, faute de quoi elle est condamnable. Cette obligation représente des sommes considérables. Le projet de micro centrale hydroélectrique des EPARRES, élaboré par la municipalité BOSA est, à cet égard, une grande chance pour CHAPAREILLAN : L’énergie électrique produite et revendue compensera le remboursement des emprunts contractés pour réaliser ces travaux. Après avoir fait tourner la turbine, l’eau sera stockée et traitée avant distribution.

Il reste à espérer que la municipalité VENTURINI, ayant inscrit le projet au budget d’investissement et au budget de l’eau se montre à la hauteur de l’enjeu. Dans cette attente les distributions d’eau en bouteilles de plastique, sous l’objectif d’une caméra ou d’un appareil photo, constituent des images marquantes de ce mandat.

Jean-François RICCI (Tiens ! Du coup m’en vais boire un coup!)

Eau NON potable : Qu’aurait fait VEOLIA ?

DESSIN 2 L'EAU D'ICI

Célébrité Chapareillanaise

Magali Noël est décédée il y a quelques semaines.

Un peu oubliée, elle fut une artiste de premier plan.

Au cinéma, elle joua pour les plus grands : Jules Dassin (du rififi chez les hommes), René Clair (les grandes manœuvres),  Jean Renoir (Eléna et les hommes), et surtout Fellini (La Dolce Vita, le Satyricon, Amarcord)…

Chanteuse, elle enregistra les premières chansons rock françaises (parodiques) de Boris Vian, dans les années 1956/1957, à la même époque qu’Henri Salvador.

La plus célèbre, « fais-moi mal Johnny », fut interdite de diffusion à la radio.

Elle est née à Izmir en Turquie, comme Dario Moreno et Édouard Balladur, deux autres vedettes de music hall injustement oubliées des jeunes générations (On devrait pourtant se souvenir de « si tu vas à Rio » et « je vous demande de vous arrêter » !).

Son nom à l’état-civil était Magali Noëlle Guiffray.

Son père travaillait dans les services diplomatiques… et ses ancêtres étaient de Bellecombe.

Dans sa généalogie, on trouvait également des Drillat et bien d’autres noms locaux.

J’allais oublier, dans les années 80, elle a joué dans « la mort de Mario Ricci » de Claude Goretta.

Christian Colloud