Archives Mensuelles: Mai 2016

Eboulement du GRANIER : Et maintenant ?

DESSIN GRANIER

 

Eboulements du GRANIER, explications de la mairie de CHAPAREILLAN :

 » C’est la faute de l’ancien maire ! Une montagne à l’abandon depuis 1248 ! »

La prophétie du roi Spaghetti

Sous un soleil de plomb, cerné de hautes herbes, le faucheur actionne sans relâche depuis le petit matin une faux au manche de bois aussi fort que sa lame est fine et coupante. Sauterelles, papillons, lézards verts s’enfuient. Les lièvres et les grives ont déjà rejoint le couvert de fourrés tout proches. L’homme s’arrête, pose le manche de son outil sur le bout de sa galoche afin que rien n’en souille la poignée. Il dégaine d’un fourreau de bois une pierre à faux et le bras droit posé sur la lame, il en affute le fil, d’une main gauche experte aux gestes précis. Durant cette courte pause, il observe au loin le bourg médiéval perché sur la colline où il retournera ce soir goûter au repos qu’il aura mérité. Son esprit s’égare un instant vers le tumulte agitant son village mais très vite il revient au calme de son champ prêt à faucher et à sa dure tâche.

Ce village s’appelle GRIVE LA BRAILLARDE et souffre d’un mal incurable : La division !

Il n’est pas question, ici, de cette opération de calcul élémentaire aussi difficile à comprendre que la soustraction pour les élèves d’une école. Non ! Il s’agit bien d’une réelle rupture entre les gens, une scission provoquant tourments et controverses, la discorde. Les gueux d’un côté, les nantis de l’autre… Les vieux contre les jeunes, les jeunes contre les vieux itou… Les possesseurs de chiens, ceux qui se plaignent des crottes et des aboiements… Les rouliers et les cochers se disputant la rue pour pousser leurs charrettes ou mener leurs carrosses… Ceux qui laissent pousser des ronces, ceux qui s’y piquent… Tous, vous dis-je, tous se regardent en chien de faïence mais contrairement à cette matière plutôt froide et brillante, tous s’échauffent fréquemment et échangent des mots sombres exprimant leur haine et leurs nombreux désaccords. Cette contrée qui se nommait « La Grive » (Du fait de l’abondance de ce gibier recherché et du talent déployé pour le chasser) fût bientôt surnommée « la braillarde ». Le monde entier (certains l’affirmaient, d’autres en doutaient) se gaussait de ce peuple énervé de « Grive la Braillarde » inapte à la sérénité et encore moins au consensus. Déterrant de très vieilles haches en fer, rongées par la rouille, qui avaient été enfouies profondément naguère au fond des jardins en signe de paix, tous se remémoraient pourtant l’époque révolue durant laquelle régnait un monarque éclairé, le roi SPAGHETTI lequel devait son nom à ses origines géographico-gastronomiques la VENETIE (Un pays lointain où l’on élabore de longs cheveux blonds avec des œufs, de la farine et de l’eau afin de s’en nourrir : Les spaghettis).

Ce bon roi à la barbe fleurie régna sans partage avec une idée fixe, comme une obsession : L’éducation. Il inventa l’école dans le but de faire sortir les enfants de leur condition de gueux analphabètes et sales sur eux. Il disait « faisons de ces bouseux édentés des êtres instruits et propres ». On lui rétorquait : « mais ces sujets-là forment de la chaire à canons docile et robuste, qu’adviendra-t-il lorsque nos ennemis réapparaitront aux frontières du royaume, devrons nous les combattre avec des crayons ? ».

Le roi répondait : « Ce qui fait gagner la guerre c’est la ruse plutôt que la force !» (NDLA : Drôle d’idée quand même !).

Il disait aussi : « Ce qui fait vraiment gagner la guerre c’est qu’elle n’ait pas lieu, c’est la paix ! » (NDLA : Z’allez pas me dire !).

Et encore plus fort : «Eduquons nos enfants, faisons d’eux des commerçants, des diplomates, des artistes et partons à la conquête du monde par le savoir et par l’esprit. » (NDLA : Du délire assurément !).

Mais ce n’est pas tout, lisez la suite : «Je place l’avenir du royaume entre les mains des maîtres d’école plutôt que sous les heaumes emplumés des chevaliers de mon armée et sous les sabots de leurs chevaux! » (NDLA : Dément vous dis-je !).

Devant tant d’intelligence développée dans de telles déclarations péremptoires, les membres de la cour du roi restaient cois, bouche bée, le menton lourd… Que le roi Spaghetti déclame de telles sentences ne posait pas de problème particulier dans ce royaume où la coutume ancestrale consistait à discourir et faire, dans l’unique but de plaire au peuple, des promesses de lendemains chantants et prospères. Encore eut-il fallu qu’il n’édifiât point de somptueuses écoles dont la construction mît à mal le trésor royal, les bambins s’y pressant en grand nombre, cette main d’œuvre bon marché manquant aux champs, les enfants fraichement instruits racontant le soir à la veillée à leurs parents incultes tout ce qu’ils avaient appris dans la journée. La culture avait changé de champ !

C’est alors que débutèrent les troubles.

Une commerçante du bourg, la poissonnière surnommée « la Sardine », fomenta une révolte toute éprise de pouvoir qu’elle était. Le trésor royal ruiné, les enfants dans les écoles désertant le travail des champs, la vente du poisson connaissant une cruelle baisse, les arguments ne manquaient pas pour convaincre quelques matrones de son acabit de la soutenir dans son combat rageur. Une bande rebelle se constitua : « La sardine » en prit le commandement. « La Mamelle » sa voisine, nourrice de son état et prompte à enfanter avec qui voudra, lui apporta son soutien. On sollicita « la Cassette », marchande de casseroles qui seule sachant compter deviendra trésorière du groupe. « La Charrue », cultivatrice zélée connue pour l’abondance et la variété de sa production horticole (courges et cornichons essentiellement), « la Chaudière » femme de ramoneur, « la Tupine » tenant taverne au bourg, « la Brouette » femme de roulier, experte en transports de fret, «  la Trompette » dont le talent essentiel était de faire courir bruits et rumeurs… Toute cette troupe joufflue et fessue s’anima un certain soir en une funeste veillée et conçut de faire campagne contre le roi afin de le destituer.

La conquête du pouvoir débuta par un habile porte à porte au seuil desquelles de rudes propos étaient tenus assombrissant l’avenir des gens. Peuple crédule qui croit ce qu’il entend et n’écoute que ce qu’il veut bien entendre, le complot fut ourdi, le roi Spaghetti renversé et un nouvel ordre instauré, ferme et expéditif.

On fit le procès du bon roi afin de s’en défaire définitivement. Le chef d’inculpation principal était : Construction d’écoles trop chères et atteinte grave au trésor du royaume. Sans témoins ni défenseurs, le roi déchu fût condamné à l’isolement dans un lointain lopin de terre avec une pauvre cabane en bois comme unique logis. Il y cultivera ses légumes avec lesquels, prétend-t-on, il entretiendra un mystérieux dialogue.

Les anciens du village se rappelaient le départ du roi déchu sous les applaudissements et les exclamations des gens : « Vive la reine Sardine ! Au diable le roi Spaghetti ! ». Une fois parvenu à la lourde porte de bois marquant la limite du bourg, il s’immobilisa et se retournant vers ce peuple ingrat il proféra d’une voix très forte :

« Que la montagne s’éboule et ensevelisse vos turpitudes ! »

Ces mots furent compris par les uns comme une inquiétante prophétie. Les autres s’en moquèrent et la vie repris son cours. Cette véritable révolution divisa les habitants du royaume et les premières décisions autoritaires de la nouvelle reine n’arrangèrent pas les choses, rendez-vous compte : Fermeture des écoles, suppression des aides et subsides apportés aux plus pauvres, seuls les proches des matrones avaient-ils droit au chapitre. On ne consultait plus le conseil des anciens, le chef des armées lui-même était ignoré superbement.

La discorde se développa et débutèrent les engueulades, bousculades et pugilats. Nul ne réalisa vraiment ce qui se passait, les conflits étaient devenus usuels, habituels, on vivait ainsi, énervé et divisés. Un jour pourtant il advint un évènement majeur qui mit tout le monde d’accord : La montagne s’éboula, d’énormes rochers dévalèrent les pentes, fracassèrent des maisons, broyèrent les arbres de la forêt ; des éboulis s’échappaient des falaises ; d’immenses nuages de poussière recouvrait la région, on n’y voyait plus goutte !

La reine Sardine conclut très vite que la prophétie du roi Spaghetti était en train de se réaliser, la panique s’empara des matrones, allaient-elles subir une punition divine et définitive pour avoir provoqué une révolte et banni un souverain ? Alors décidèrent-elles de faire acte de contrition et d’organiser une procession entre le bourg et un lieu devenu saint pour avoir échappé naguère à un pareil éboulement. Ainsi est né la procession de Saint Roch dont on sait aujourd’hui qu’elle perdurera quelques siècles avant d’être interdite par les hautes autorités religieuses tant on s’y adonnait au stupre et à la débauche… Chassez le naturel…

Mais la montagne s’éboulait toujours, petit à petit, inexorablement, parfois par pans entiers, plus souvent par simples coulées de gravats. Il fallut évacuer les hameaux les plus menacés, par solidarité on en hébergea les habitants au bourg dans un vieux fort désaffecté. Une solidarité naquit de ces cruels évènements, tous déblayèrent les éboulis dans des brouettes et des charrettes à coups de pelles et de pioches. La paix était revenue à « La Grive » dans la peine et la sueur le temps du déblaiement. Elle était donc là la quintessence de la prophétie du roi Spaghetti :

«La paix règnera dans le royaume tant que le malheur nous réunira.

C’est dans les temps d’abondance que naissent les divergences ! ».

Jean-François RICCI

Le mont GRANIER est contre le LYON/TURIN !

Montagne majestueuse, entrée dans l’histoire en 1248 et alimentant depuis la légende, le mont Granier s’effrite inexorablement depuis des siècles et des siècles. Ces derniers mois, on l’a vu s’effondrer ici, s’ébouler là, tremblements nocturnes, menaces sur les hameaux, on vient même d’interdire tout cheminement à l’approche du massif. Sentiers interdits … N’approchez pas du « trou du diable » et de ses éboulis !

A l’écoute de ces informations, il m’est venu l’idée saugrenue suivante :

Cette soudaine instabilité à caractère exceptionnel pourrait-elle influer sur la réalisation de la nouvelle ligne de fret ferroviaire entre Lyon et Turin ?

Le creusement d’un tunnel de dix mètres de diamètre sous le massif de la Chartreuse avec des moyens techniques puissants ne finirait-il pas par déstabiliser définitivement la fière falaise ?

On me dira : « Ah ! La voilà l’autre grande gueule ! Toujours prête à ergoter les plus vils arguments rien que pour ne pas voir passer des trains de marchandises, nuit et jour, au fond de son jardin…»

Je pourrai alors me défendre un peu maladroitement : « D’abord ! Il n’est pas prévu que le train piétine ma haie de laurier/cerises si bien taillée… En tout cas pas à ma connaissance… Enfin si j’ai bien tout compris de la lecture des nombreux documents techniques mis à ma disposition lors de l’enquête publique… Et là ! Question information des citoyens et démarche républicaine de consultation des habitants… On peut dire qu’on a mis le paquet ! C’était quand même du brutal, le truc, pour comprendre ce qui allait se passer ! Heureusement qu’on a eu quelques dangereux activistes (CCLT, IBANEZ et autres) pour nous expliquer la manœuvre, l’aberration financière, l’ampleur des travaux, l’impact sur le vignoble, le risque pour les sources, la hauteur du remblai, etc.

Mais revenons à LA question posée par nos cailloux dégringolant jusque sous les fenêtres des riverains de la fière montagne : Le risque de provoquer un éboulement majeur de la face nord du Granier a-t-il été pris en compte ?

Il se trouvera bien un ingénieux quidam pour me rétorquer « Un tube de béton avec des parois d’un mètre d’épaisseur ne peut que conforter le massif »… Ou encore « Les techniques de creusement des tunnels sont douces et sans risques » … Et pourquoi pas « Les remblais issus de l’excavation des matériaux et constituant un énorme merlon de 8 à 10 mètres de hauteur conforteront la colline !

N’empêche qu’on ne m’enlèvera pas de l’idée qu’un risque réel existe et qu’à la glorieuse époque de CAVOUR lorsqu’on édifiait les voies ferrées, à défaut d’en avoir les moyens techniques, on n’aurait probablement pas pris le risque de creuser un tunnel ferroviaire dans cette meule de gruyère branlante !

Arriérés refusant le progrès et la fabuleuse évolution de notre monde moderne, NIMBISTES égoïstes laissant à d’autres les nuisances de la circulation ferroviaire, Farfadets échevelés manifestant dans les rues, lutins agités décortiquant les dossiers et soulevant de nombreux lièvres, voici que nous sommes rejoints sous la bannière de la lutte contre ce grand projet inutile et coûteux par un allié de poids : Le mont Granier !

Pourvu qu’il ne nous tombe pas sur la tête !

Jean-François RICCI