Archives Mensuelles: novembre 2015

La chasse aux marchands de sommeil est ouverte :

Image MEDOR

LES MARCHANDS DE SOMMEIL

La municipalité de Chapareillan «part en guerre » contre les propriétaires/bailleurs de logements insalubres : « Haro sur les marchands de sommeil ! ».

C’est une bonne nouvelle pour les locataires qui souffriraient du mauvais état de leurs logements et particulièrement pour les occupants des logements communaux. La commune effectivement est elle-même un bailleur de logements anciens et d’après certains locataires qui les occupent, les travaux d’amélioration demandés depuis des années ne se font pas (fuites de toit, manque d’isolation, moisissures, appareils de chauffage inadaptés, etc.). Nul doute que madame la maire et son adjointe chargée de la chasse aux bailleurs indélicats sauront montrer l’exemple en mettant les logements communaux aux normes d’habitabilité au plus tôt.

C’est une moins bonne nouvelle pour les propriétaires de logements anciens rénové,s lesquels risquent la stigmatisation, pour peu qu’un locataire aille se plaindre en mairie d’une peinture écaillée, d’une moisissure dans une salle de bains, ou d’une panne de chaudière. C’est exactement ce qui m’arrive avec un bon p’tit gars qui occupe un petit logement dans la maison dont j’ai hérité suite au décès de mon frère en novembre dernier. Je ne résiste pas à l’envie de vous narrer l’histoire ! Après tout, nous sommes entre amis : Je dois vendre la masure pour financer la succession, du coup je signifie son congé à mon locataire et lui propose même de le reloger dans un studio sympa à proximité. Il décline mon offre et part à la recherche d’un logement locatif. Et là, les choses se compliquent pour lui car la recherche d’un logement, aujourd’hui, dans le Grésivaudan, est un long parcours !

Le parc immobilier locatif, on le sait, ne répond pas aux besoins des Français. 1,7 millions de demandes de logement sont insatisfaites en France. La polémique qui enfle sur l’obligation faite aux communes par la loi SRU d’avoir 20% de logements sociaux sur leurs territoires ne concerne pas Chapareillan puisque nous atteignons, dans ce domaine, un taux satisfaisant grâce aux politiques urbanistiques et sociales menées depuis les années 90. Néanmoins les services chargés d’attribuer des logements croulent sous les dossiers. Plusieurs problèmes se posent donc pour accéder à un logement :

Le premier, on l’a vu, c’est le nombre de logements disponibles bien inférieur aux besoins. Cela provoque l’établissement de critères de priorités (Ménages, familles avec enfants, etc.). On sait par exemple qu’un célibataire ne sera pas prioritaire chez les bailleurs publics.

Le deuxième c’est la solvabilité. Tout demandeur qui n’est pas salarié en CDI avec une sérieuse caution en soutien aura du mal à obtenir un logement, surtout dans le parc locatif privé dont les propriétaires n’ont pas toujours les moyens de supporter financièrement un défaut de paiement.

Imaginez les difficultés d’un jeune célibataire en CDD. C’est un «TANGUY » en puissance ! Ou alors, plus grave que ça, une personne en difficulté qui fait du porte à porte d’une administration à un service intercommunal en passant par les services sociaux et qui finit par solliciter l’aide d’une élue… Mon petit gars, dans sa recherche de logement, « fait des pieds et des mains », plaide sa cause, demande de l’aide, dramatise un peu sa situation auprès de madame la maire de Chapareillan, laquelle entend bien que le bailleur concerné est un opposant véhément et compte bien lui réserver une « POUTINADE ». Visite des lieux, constat, courrier recommandé, article dans le journal, coup de menton… Quand on tient une occasion de mettre une gifle à l’opposition, on enfourche son cheval de bois et on part en « guéguerre » contre les marchands de sommeil ! Comme c’est simple la vie municipale !

Avant de foncer « tête baissée » sur ce sujet sensible, il convient pourtant de prendre garde à la situation de certains locataires qui peuvent faire les frais d’une agitation irraisonnée. Faire publier dans la presse la photo d’un logement, sans autorisation du propriétaire ni de l’occupant souhaitant en partir, je ne suis pas certain que ça vienne en appui du dossier du candidat locataire.

Prenons garde aussi à ne pas jeter l’opprobre sur les nombreux propriétaires/bailleurs du village, tous ne louent pas des taudis insalubres ! Je pense à ceux, bienveillants, qui ont ouvert leur porte au printemps 2014 aux candidats lors de la campagne électorale ; ils doivent se demander aujourd’hui quel jugement on porte en mairie sur l’état de leur logement et par voie de conséquence sur l’état des logements qu’ils louent. Drôle d’ambiance ! Vous ne trouvez pas ?

Quant au petit traitement « à la Poutine » dont j’ai fait l’objet et qui confirme l’autoritarisme en vigueur en mairie dénoncé depuis des mois par ce blog, ne serait-il pas plus judicieux et plus utile d’aider mon jeune locataire à trouver un nouveau logement.

Pardonnez-moi, chers lecteurs, d’avoir fait état de manière quelque peu impudique d’une affaire privée dans ces lignes, mais il m’a semblé que cet incident donnait une idée de ce que pourrait devenir notre vie quotidienne en cas de victoire de l’extrême droite lors des prochaines échéances électorales.

Jean-François RICCI

Conte : La petite reine qui voulut devenir grande.

Il était une fois, dans un royaume lointain, une petite reine.

Tout était petit chez elle, ses petons, ses guibolles, son derrière, ses bras, ses mains et même ses petits doigts autour desquels aucune bague ne pouvait être enfilée… Quant à sa tête au si joli minois, au petit nez pointu, aux petits yeux porcins, sa tête elle-même contenait un tout petit esprit.

A petit esprit, ambition grandiose… La suite de ce conte nous le démontrera.

Ce royaume était dirigé par les femmes, cela laissait tout loisir aux hommes pour chasser, pêcher ou faire la guerre. La petite reine était assistée par des matrones qui toutes avaient une fonction officielle. Elles étaient actives, loyales, fidèles à la reine mais toutes étaient grandes, dotées de formes généreuses, couronnées de chevelures opulentes et vivement colorées… Des femmes quoi ! Les reines des royaumes voisins étaient de grandes souveraines dominant de vastes territoires, inféodant gueux et paysans grâce à de fiers soldats constituant d’impressionnantes cohortes. Toutes vivaient dans de puissantes forteresses sur lesquelles flottaient de magnifiques oriflammes multicolores.

Pour une si petite reine, la comparaison avec toutes ces grandes femmes fessues et dodues, devenait insupportable. Vivre « au ras des pâquerettes » nuit gravement à l’expression de l’autorité et ne convient pas aux ambitieux. Imaginez qu’elle ne voyait depuis toujours de ses contemporains que ce qui se situait au niveau de la ceinture. Quand elle levait les yeux vers un interlocuteur, son regard croisait le dessous mal rasé d’un menton ou le creux velu et crotté de deux narines. Quel triste destin que celui des petites gens !

Alors décida-t-elle que cela devait changer. Une idée lui vint comme une soudaine illumination, à l’occasion d’une promenade près de la rivière. Elle vit un grand oiseau gris, marchant avec grâce le long de la berge sur de grandes pattes fines et pêchant d’un long bec de nombreux poissons. Aussi fit-elle fabriquer au cordonnier du royaume de très grandes chaussures avec vers l’arrière de longs et fins talons et vers l’avant des semelles très épaisses. Ainsi perchée et après quelques heures d’entrainement à un exercice plus familier à l’échassier qu’à l’humain, elle déambula dans les couloirs de son petit château, jouissant pour le coup d’un horizon tout autre que trous de serrures, dessous de tables, braguettes et ceinturons. Que les gens avaient de beaux yeux et de beaux cheveux ! Certains portaient la moustache, d’autres des chapeaux, que de merveilles ! Toute à la découverte de ce nouvel horizon, elle en heurta le linteau d’une porte et se fit une bosse sur le front. Les portes du château étaient à son image… Petites ! Il faudra les faire agrandir et réhausser les linteaux se dit-elle… De grands travaux furent engagés. Dans le royaume personne ne s’aperçut du changement pour la bonne raison que la petite reine, très complexée par sa petitesse, ne déambulait qu’à bord d’un gros carrosse aux reflets d’argent, à la fenêtre duquel ne dépassait que sa petite couronne dorée tressautant à chaque fois que les bandages de fer des roues heurtaient un pavé mal placé.

Alors décida-t-elle de cheminer dans son royaume à pied, perchée sur ses nouvelles chaussures. Le croirez-vous ? Personne ne s’aperçut de ce bouleversement vestimentaire et de ce changement de taille, nul ne se retournait sur son passage. Intolérable ! Elle devait trouver un moyen de s’agrandir encore et d’attirer les regards. Une autre idée lui vint comme une seconde illumination à la vue d’une icône pieuse accrochée au mur d’une église : Une sainte « quelque chose », une vierge « quelconque », peu importe qui elle fut, était représentée couronnée et auréolée. Alors décida-t-elle de se faire recoiffer. Un artisan du poil et du cheveu réputé fut appelé. Il fit gonfler la chevelure de la petite reine, il composa même une teinture dorée dont il avait le secret et ainsi réalisa sur la petite tête royale un véritable casque d’or étincelant sur lequel on posa, cerise sur le gâteau, la petite couronne.

Très impatiente de tester sa nouvelle apparence, la petite reine ainsi couronnée chaussa ses hauts escarpins et se rendit dans les rues du bourg. Elle attendait qu’on s’extasie, qu’on s’émerveille, qu’on l’admire, voire qu’on la convoite tout comme les matrones étaient convoitées… Rien de tout cela. Les gueux, tout à leur misère, ne s’aperçurent de rien. Personne ne se retournait sur son passage malgré la démarche chaloupée que ses grands souliers lui donnaient, ses petites fesses bien rebondies se dandinant de droite à gauche, sa petite poitrine aux tétons pointus se bombant fièrement comme un torse de guerrier grec, son casque d’or étincelant reflétant les rayons du soleil.

Une troisième idée lui vint alors, ce qui démontre bien que l’ambition d’un petit esprit génère parfois de grandes inspirations, lors du passage d’un carrosse sur lequel tout le monde se retournait, tant les huit sabots des deux juments qui le tractaient claquaient sur le pavé. Le maréchal ferrant appelé en renfort eut tôt fait de clouer des petits bouts de fer sous les chaussures, si bien que désormais le pas de la reine claquait sur le sol et qu’ainsi on l’entendait venir.

Tout changea pour elle, de nouvelles portes s ‘ouvrirent sur de nouveaux horizons. Les gens se retournaient sur son passage et la regardaient avec curiosité et intérêt. Chaussés de vulgaires galoches usagées, ils devaient lever les yeux pour reconnaitre leur souveraine juchée sur ses nouveaux godillots. Ainsi fut-elle investie d’une nouvelle posture, son statut de reine s’affirmait enfin, on la regardait avec déférence, on la saluait, on faisait parfois des révérences maladroites. Quel bonheur que d’être admirée et respectée!

Tout changea aussi pour le royaume. La petite reine devenue grande devint autoritaire. Elle se mit à décider de tout, elle exigea de son entourage obéissance et soumission. Un jour elle fit même irruption chez le boulanger en claquant de ses hauts talons, et demanda qu’une galette lui soit servie immédiatement, avant tous les chalands qui attendaient leur tour depuis des heures en une longue file d’attente devant l’odorante échoppe. Dans ce royaume, les gens pouvaient tout supporter, humiliations, bannissement, condamnations tant ils étaient soumis à l’autorité… Mais qu’on ose se faire servir une galette, sans attendre son tour, fut vécu comme un offense majeure : « On ne touche pas à notre pain quotidien ! La reine elle-même ne peut pas bénéficier d’une telle faveur ! ».

Affaire majeure de miche… Le levain fermenta, la pâte du pétrin déborda, la révolte sourdait dans les appétissants effluves émanant du fournil. Une fronde éclata, rassemblements, cris, fourches et pelles à pains dressées, la foule marcha vers le château pour manifester son mécontentement : « chacun son pain chacun son tour », « rendez-nous la galette », « honte à l’usurpatrice »… Plus la foule approchait du château, plus les slogans étaient hostiles et véhéments. Une troupe très en colère se présenta sous les fenêtres de la petite reine, la situation était tendue comme une arbalète…

La porte du château s’ouvrit alors et laissa sortir, une par une, les matrones. Toutes formèrent un fier alignement, côte à côte, croisant leurs bras musclés sous leurs fortes poitrines ce qui leur donnait encore plus de volume (aux poitrines !). La foule baissa d’un ton, impressionnée par une telle attitude. Petit à petit, les cris cessèrent, les fourches se baissèrent, les pelles à pain touchèrent le sol… La jacquerie devint muette et figée… le face à face dura quelques minutes… La matrone en chef, la plus écoutée dans le royaume, celle dont les cheveux rouges couronnaient un visage ingrat, aux lèvres lippues et aux longs cils noirs, celle qu’on surnommait « LA CASSETTE » parce qu’elle tenait les comptes et les finances du royaume, celle qui détenait, en vérité, le véritable pouvoir, prit la parole d’une voix forte en tendant vers les révoltés un doigt boudiné mais ferme, de ces doigts qu’il vaut mieux ne pas prendre dans un œil ni d’ailleurs dans un quelconque orifice :

« Retournez dans vos masures sans attendre ou je fais donner la troupe… savez-vous ce que coûte de s’opposer aux matrones ?… Nous vous refoulerons jusqu’au fond de vos antres à coups de mamelles s’il le faut ! »

Apeurés, les manifestant eurent tôt fait de choisir le repli plutôt que les coups de miches et s’en retournèrent qui au travail, qui faire la sieste, qui à la pêche ou à la cueillette. Ainsi s’acheva la révolte de la galette. Il fut désormais acquis et accepté que la petite reine devenue grande soit servie prioritairement dans toutes les échoppes du bourg et plus personne n’y trouva à redire. Plus pitoyables sont les révoltes, plus durables sont leurs effets, aujourd’hui encore en ce bas monde il nous arrive de subir le dictat inique de petites reines souhaitant devenir grandes.

André CORSO, conteur