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Soyons triviaux !

La langue française est extraordinaire quand elle donne plusieurs sens au même mot. Prenez « trivial » qui signifie tout à la fois simplicité, évidence mais aussi vulgarité ou grossièreté.

L’un de mes grands-pères, par exemple, disait souvent : « Faut pas tortiller du cul pour chier droit !», c’était grossier mais aussi tellement vrai. Combien de complications le monde moderne provoque t’il alors que le sort de la planète est en péril ? Le problème est pourtant simple à résoudre : Pour sauver la planète, soyons écologistes !

Et c’est là que la logique sémantique de ce grand-père débonnaire devient douteuse : Souvent les solutions paraissant les plus simples cachent certaines difficultés. Voter écolo, c’est simple mais la sauvegarde de la planète ne passe-t’elle pas aussi par un changement de comportement de notre part dans les domaines les plus destructeurs : la consommation d’énergie, l’alimentation, la production de déchets, etc… ? Oui mais voilà, notre formidable système économique mondialisé, lui, ne « tortille pas du cul », il a besoin que l’on consomme un maximum de produits de toutes sortes (même les plus inutiles), que l’on circule en tous sens et en tous lieux autour de la terre (même si cela pollue l’atmosphère), etc… Faute de quoi il s’écroule et c’est la crise ! Il faudrait donc accepter d’affronter la crise en adoptant un comportement citoyen destiné à sauver la planète. Mais dites-moi, affronter les effets néfastes de l’économie néo-capitaliste, n’est-ce pas ce que vivent déjà nos gilets jaunes ? Vous savez, ces révoltés qui ont bien failli faire tomber le gouvernement cet hiver et qui, petit à petit, subissant les rudes coups de la répression et de la propagande, rentrent dans le rang et retournent vers leur misère !

Adopter un comportement citoyen, n’est pourtant pas compliqué ! Procédons dans l’ordre :

Primo : on vote écolo aux élections. C’est simple et pas grossier !

Deuzio : on réunit la famille et on se lance un défi : « à partir de demain on s’engage à faire un geste pour sauver la planète. Tout le monde participe. Les marmots vont à l’école à pied, on mange moins de viande dans la semaine, on trie les emballages, on composte les épluchures de légumes, on ne laisse pas couler l’eau des robinets inutilement, etc., on se modère quoi ! », tout plein de petits gestes qui ne bouleversent pas la vie quotidienne et qui multipliés par des millions de citoyens sauveront la planète ! Là c’est un peu plus compliqué mais pas vulgaire non plus !

Tertio : on arrête de râler après les grands pollueurs en se disant que les petits efforts quotidiens ne servent à rien face à l’énorme pollution provoquée par les transports aériens usant de kérosène détaxé, les porte-containers sillonnant et polluant nos océans, les industriels « dégueulant » leurs déchets dans l’atmosphère ou dans la mer, etc… Car la citoyenneté place l’individu au cœur du système politique et c’est bien à chaque personne qu’il appartient de changer le monde. Faute de quoi nous demeurerons « Le cul entre deux chaises » avec à notre droite les « climato-sceptiques » voyant le monde à travers des lunettes en « cul de bouteille », à notre gauche les « collapsologues » présageant l’effondrement prochain « cul par-dessus tête » de notre civilisation. Nous assisterons alors benoîtement à la disparition des espèces et à l’anéantissement de la biodiversité, comme de funestes « trous du cul » qui ne pourront, pour le coup, même plus râler !

En clair, mon grand-père aurait dit : « ne cherches pas à Peter plus haut que tu as le cul » (il rajoutait parfois « ça donne mauvaise haleine ! » et « commence à balayer devant ta porte » ! Si, cela, ce n’est pas du bon sens populaire bien trivial, j’m’y connais pas !

En résumé : « On se bouge le cul ! » (Autre expression triviale alliant efficacité et grossièreté) et on montre l’exemple à ces milliers de jeunes manifestant le vendredi pour sauver la planète, leur jeune porte-parole finlandaise nous en mettant « plein la gueule » à la tribune du parlement européen quand elle pose la question : « Quel monde nous laissez-vous ? »

En conclusion : « soyons triviaux ! ».